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Une lecture ludique des stratagèmes de Schopenhauer - Numéros - Influxus
explorations - nouveaux objets - croisements des sciences

L'auteur

Myriam Quatrini

Université de la Méditerranée
Institut de Mathématiques de Luminy
163 avenue de Luminy, Case 907
13288 Marseille cedex 9

Page auteur

quatrini [chez] iml.univ-mrs.fr

Référence

Myriam Quatrini, « Une lecture ludique des stratagèmes de Schopenhauer », Influxus, [En ligne], mis en ligne le 19 juin 2013. URL : http://www.influxus.eu/article615.html - Consulté le 19 mars 2024.

Une lecture ludique des stratagèmes de Schopenhauer

par Myriam Quatrini

Introduction

Nous nous intéressons ici à un texte de Schopenhauer intitulé “Dialectica eristica”, traduit en français par l’art d’avoir toujours raison [1], texte souvent qualifié de mineur ou de digression philosophique. Nous proposons alors une digression de la digression. Il ne s’agit pas de développer un propos philosophique ni une étude des jeux logiques à la mode médiévale. En fait, ce texte nous interpelle car il fait écho à l’actualité de la logique contemporaine. Dans ce texte Schopenhauer se propose de définir la dialectique comme l’art de gagner les controverses indépendamment de la recherche de la vérité ; or c’est en “libérant” les preuves formelles de la stricte recherche de la vérité que J.-Y. Girard a proposé une nouvelle théorie logique : la Ludique [Girard-01]. Dans ce texte fondateur, son auteur qualifie cette théorie d’approche purement interactive de la Logique ; nous sommes alors curieux de faire résonner cette approche radicalement nouvelle en logique mathématique dans d’autres champs concernés de près ou de loin par la logique : la dialectique ici, la pragmatique plus généralement.
Parmi les caractéristiques originales et prometteuses de la Ludique on trouve l’abolition d’une dualité qui résistait jusqu’alors en logique : la dualité syntaxe/sémantique. Le dépassement de cette dualité est l’aboutissement d’un changement de point de vue : la Ludique privilégie le point de vue internaliste ; la connaissance d’un objet ne se fait pas via le passage dans un autre monde [2], mais via le résultat de ses interactions avec des objets de même nature. Ainsi que le décrit C. Faggian [Faggian-02b], ce dépassement est réalisé dans le monde des preuves formelles par un double processus : l’abstraction de la syntaxe ; la concrétisation de la sémantique. D’une part on manipule des objets plus généraux que des preuves formelles, en particulier on donne un statut à des preuves qui se terminent par un échec (qu’il est nécessaire de considérer pour explorer les objets dans toute leur étendu). D’autre part, du coté de la syntaxe on s’abstrait en particulier de la notion de formule logique au profit de la notion beaucoup plus générale de lieu ou adresse. Ainsi la Ludique semble pouvoir dialoguer avec grand nombre de domaines dans lesquels l’interaction est un concept majeur, sans qu’il soit nécessaire de les faire entrer a priori dans un format hérité de la logique mathématique.
La lecture “ludique” de l’ouvrage de Schopenhauer constitue une illustration d’un projet ambitieux : mettre en évidence l’intérêt d’une approche logique, géométrique et interactive, de la pragmatique du langage, de la construction du sens, voire de la cognition. Cette démarche peut être rattachée à celle présentée par S. Tronçon dans [Tronçon-08] et s’inscrit dans un projet de recherche “Prélude” [3] dont la formulation initiale a été rédigée par A. Lecomte [Lecomte-07]. Nous partons de l’hypothèse que nous avons des choses à apprendre et à comprendre en transposant dans ces domaines des points de vue qui sont à l’origine des avancées considérables en théorie de la démonstration, permettant l’émergence de nouveaux outils et de nouveaux concepts. C’est dans cette perspective que nous nous intéressons ici aux dialogues et à la dialectique, ou plus précisément à la dialectique telle qu’elle est définie dans ce texte par Schopenhauer. Cette définition est peut-être réductrice, mais le propos n’est pas de prendre parti ou de commenter cette position philosophique. L’objectif, à propos du texte de Schopenhauer, est ici très modeste : les stratagèmes seront pour nous un prétexte pour éprouver des intuitions concernant la formalisation des dialogues. La lecture proposée, bien que très loin d’en épuiser toutes les entrées possibles, peut apporter, indirectement, un éclairage nouveau. Toutefois, l’enjeu est avant tout d’illustrer une tentative, de fonder un questionnement, tous deux éminemment exploratoires. Nous ne passerons pas en revue tous les stratagèmes listés par Schopenhauer. En effet, un certain nombre des dits stratagèmes ne sont pas vraiment distinguables à partir de la seule approche géométrico/logique. Tous ne sont pas caractérisables par des considérations logiques (même au sens large de “Logique” comme théorie de l’interaction) mais relèveraient, par exemple, d’une psychologie sociale des controverses. Nous nous attarderons dans ce texte sur les quelques situations pour lesquelles l’éclairage que nous proposons peut montrer quelque chose de l’ordre d’une géométrie de l’interaction.
Après une brève introduction à la Ludique, une formalisation des dialogues sera proposée. Cette formalisation sera alors déclinée pour une lecture ludique des stratagèmes : nous analyserons tant les controverses que la construction des stratagèmes comme des interactions décrites en termes ludiques. Nous soulignerons enfin certains enseignements apportés par cet éclairage nouveau, comme la mise en évidence d’une dimension géométrique et qui nous semblent intéressants pour rendre compte du ressort de certains stratagèmes, en particulier ceux parmi les plus spécieux.

1. Le cadre de notre formalisation des stratagèmes

1.1 Brève présentation de la Ludique

La Ludique est une théorie logique due à J.-Y. Girard [Girard-01]. On peut commenter l’avènement de cette théorie, qui se définit comme une théorie de l’interaction, en disant qu’elle est l’aboutissement de changements successifs de paradigme en Théorie de la Démonstration : de la démonstrabilité au calcul, puis du calcul à l’interaction. Le point de vue logique qui a permis le premier changement de paradigme est la logique intuitionniste ; le second a été rendu possible par le développement de la logique linéaire. Pour une présentation profonde, replace dans une perspective philosophique et l’épistémologique de cette évolution de la logique mathématique et ses développements récents motivés par le dialogue avec l’informatique théorique nous renvoyons au texte de J.-B. Joinet [Joinet-07]. Pour un résumé très rapide, rappelons que :
- La théorie de la démonstration s’est d’abord développée autour d’un objet central la formule, s’intéressant à ses propriétés de satisfaction et de prouvabilité.
- A partir de la formulation du paradigme de Curry-Howard [4] et correspondant au point de vue intuitionniste, l’objet central de la théorie de la démonstration n’est plus la formule logique mais la preuve et la propriété importante pour la perspective calculatoire : le bon comportement de la procédure d’élimination des coupures.
- Avec la logique linéaire, on retrouve les symétries de la logique classique et notamment une négation involutive, tout en préservant ce qu’on avait gagné avec les systèmes formels intuitionnistes : le bon comportement de l’élimination des coupures. Le point de vue “géométrique” et les nouvelles approches dues à la Logique Linéaire, notamment la géométrie de l’interaction, vont permettre de généraliser à la fois la notion de calcul (vers le parallélisme) et celle de preuves (d’abords interprétées par des fonctions puis par des relations, des graphes, puis enfin par des stratégies) pour s’intéresser finalement directement à la dynamique elle-même.

En Ludique, on manipule des objets qui ne sont plus des démonstrations mais plutôt des tentatives de démonstration ; ainsi on va s’autoriser une règle : le daïmon, correspondant à l’abandon dans la recherche de preuve. Ces objets ont été obtenus au terme d’une déconstruction de l’objet preuve, en ne gardant que ce qui est nécessaire pour repérer l’interaction. Le point de vue adopté, pour mener à bien cette déconstruction, a été de considérer des preuves focalisées, point de vue rendu possible par la découverte de la polarité des formules [Andreoli-92]. Ce choix de travailler avec des objets polarisés permet en outre de faire le lien [Faggian-Hyland-02] entre la Ludique et les travaux récents de sémantique des jeux pour la théorie de la démonstration, dont les motivations sont similaires. Ainsi, une bonne métaphore pour aborder la Ludique est celle des jeux, et c’est l’approche que nous allons adopter dans ce texte. Nous ne donnons ici qu’une présentation très simplifiée de cette théorie et nous renvoyons le lecteur, soucieux de faire connaissance avec les notions mathématiques et les riches concepts de la Ludique, aux textes fondateurs [Girard-01], [Girard-03]. Nous l’invitons également à lire les introductions averties que sont [Currien-01], [Faggian-02a].

1.1.1 Les objets de la ludique

L’objet central de la Ludique est le dessein. Filant la métaphore des jeux, on peut alors comprendre un dessein comme une stratégie, c’est à dire un ensemble de parties (chroniques) se terminant par des réponses du joueur aux coups envisagés de son adversaire. Les parties sont elles-mêmes des suites alternées de coups (actions). Les coups, enfin, sont la donnée de trois objets : la polarité (positive s’il s’agit d’un coup du joueur dont on considère la stratégie, négative s’il s’agit d’un coup de son adversaire), la position à partir de laquelle on ancre le coup et l’ensemble fini (ramification) de positions atteignables en un pas. On considère aussi un coup particulier : l’abandon (le daïmon), qui est un coup positif.
En ludique, ces positions sont des adresses ou lieux codées par une liste finie d’entiers, et sont souvent notées \xi, \rho, \sigma \dots
Les dispositions de départ ou fourches sont notées \Gamma\vdash\Delta. Il s’agit d’une organisation de positions à partir de laquelle des parties peuvent commencer ; \Gamma et \Delta sont des ensembles finis de lieux, \Gamma contenant au plus une adresse. Si \Gamma contient un élément, toute partie commencera alors sur cet élément par un coup de l’adversaire (et la fourche est dite négative), sinon c’est au joueur d’entamer, une partie commence sur un élément quelconque de \Delta (et la fourche est dite positive).

On peut associer aux desseins une représentation (dessin) sous forme d’une preuve formalisée en calcul des séquents hyperséquentialisé.
Avec les particularités suivantes : on dispose d’une règle qui permet d’abandonner la recherche : le daïmon ; on ne manipule pas des formules mais des adresses ; on n’a donc plus de règles relatives aux connecteurs logiques mais seulement deux règles qui subsument ces règles [5].
Un dessin est un arbre de fourches \Gamma\vdash\Delta, construit en utilisant les trois règles suivantes :

- daïmon


\displaylines{{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_{\dagger}\\
\vdash\Delta}

- Règle positive


\displaylines{
\dots\xi. i\vdash \Delta_i\dots\\
{\tiny \overline{\hspace{4em}}}{(\xi,I)}\\
\vdash\Delta,\xi}


I est une ramification éventuellement vide et pour tout  i\in I, les \Delta_i sont deux à deux disjoints et inclus dans \Delta [6].

- Règle négative


\displaylines{
\dots\vdash \xi.I,\Delta_I\dots\\
{\tiny \overline{\hspace{4em}}}{(\xi,{\cal N})}\\
\xi\vdash\Delta}


{\cal N} est un ensemble, éventuellement vide ou infini, de ramifications et pour tout I\in {\cal N}, les \Delta_I, non forcément disjoints, sont inclus dans \Delta.

A partir de maintenant, nous confondrons les desseins avec leur représentation sous forme de dessins.

EXEMPLES :

- Les desseins suivants sont appelés daïmon et notés {\cal D}ai^+ ou {\cal D}ai^- selon la polarité de leur base :


\displaylines{
\vphantom{{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\
 \vdash\Delta\\}
{\tiny \overline{\hspace{4em}}}_\dagger\\
 \qquad\vdash\Delta\quad\\
{\cal D}ai^+ } \hspace{2em}
\displaylines{{\tiny \overline{\hspace{5em}}}_\dagger\\
\qquad\vdash\xi.I,\Delta\quad\\
\quad{\tiny \overline{\hspace{4em}}}\quad\\
\xi\vdash\Delta\\ 
{\cal D}ai^- }

- Le {\cal F}ax_{\xi,\xi’} correspond au dessein suivant, récursivement défini (où {\cal P}_f(\mathbb N) dans la première règle négative, désigne l’ensemble des parties finies de {\mathbb N}) :


\displaylines{
\displaylines{\vphantom{{\cal F}\\
\xi’\\
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}{(\xi’)}\\}
\dots}
\hspace{1em}
\displaylines{{\cal F}ax_{\xi’_i,\xi_i}\\
\xi’.i\vdash\xi.i\\
{\tiny \overline{\hspace{5em}}}{(\xi’,I)}\\
\quad\vdash\xi.I,\xi’\qquad}
\hspace{1em}
\displaylines{\vphantom{{\cal F}\\
\xi’\\
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}{(\xi’)}\\}
\dots}
\hspace{1em}
\displaylines{{\cal F}ax_{\xi’_j,\xi_j}\\
\xi’.j\vdash\xi.j\\
{\tiny \overline{\hspace{5em}}}{(\xi’,J)}\\
\quad\vdash\xi.J,\xi’\qquad}  
\hspace{2em}
\displaylines{\vphantom{{\cal F}\\
\xi’\\
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}{(\xi’)}\\}
\dots} \\        
{\tiny \overline{\hspace{24em}}}{(\xi,{\cal P}_f(\mathbb N))}\\
\qquad\xi\vdash\xi’\qquad}

- Considérons un exemple plus intuitif, dû à Claudia Faggian et François Maurel.

Soit le contrat suivant : pour un euro, Bob propose qu’Alice choisisse un livre ou une surprise (qui sera, selon le choix de Bob, un CD ou un DVD).
Ce contrat peut être décrit par une formule de la Logique Linéaire :
E \multimap(L\& ( CD \oplus  DVD)).
Où les formules E/E^\perp (resp. L, CD, DVD) peuvent être comprises comme : donner/prendre un euro (un livre, un CD, un DVD).
En guise de transition entre logique linéaire et Ludique, nous décrivons dans une logique linéaire hyperséquentialisée [7], deux (para)preuves justifiant cette formule :


\displaylines{\displaylines{
\vphantom{CD^\perp\\}
{\tiny \overline{\hspace{3em}}}_\dagger\\
 \vdash E^\perp,L}\hspace{2em}\displaylines{ CD^\perp\vdash E^\perp\\
{\tiny \overline{\hspace{8em}}}\\         
\vdash E^\perp,CD\oplus DVD}\\
{\tiny \overline{\hspace{15em}}}\\
E\otimes(L^\perp\oplus(CD\oplus DVD)^\perp)\vdash\\
{\tiny \overline{\hspace{15em}}}\\
\vdash\downarrow(E\otimes(L^\perp\oplus(CD\oplus DVD)^\perp))^\perp} 
\hspace{4em}
\displaylines{\displaylines{
\vphantom{CD^\perp\\}
{\tiny \overline{\hspace{3em}}}_\dagger\\
\vdash E^\perp,L}\hspace{2em}\displaylines{ DVD^\perp\vdash E^\perp\\
{\tiny \overline{\hspace{8em}}}\\         
\vdash E^\perp,CD\oplus DVD}\\
{\tiny \overline{\hspace{15em}}}\\
E\otimes(L^\perp\oplus(CD\oplus DVD)^\perp)\vdash\\
{\tiny \overline{\hspace{15em}}}\\
\vdash\downarrow(E\otimes(L^\perp\oplus(CD\oplus DVD)^\perp))^\perp}

Puis deux (para)preuves de la formule duale :


\displaylines{
\displaylines{
\vphantom{
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\
D^\perp\\
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
}
E^\perp\vdash\hspace{2em}L\vdash}\\
{\tiny \overline{\hspace{15em}}}\\
\vdash E\otimes(L^\perp\oplus(CD\oplus DVD)^\perp)\\
{\tiny \overline{\hspace{15em}}}\\
\downarrow(E\otimes(L^\perp\oplus(CD\& DVD)^\perp))^\perp\vdash}
\hspace{4em}
\displaylines{
\displaylines{
\vphantom{{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\
D^\perp\\
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\}
E^\perp\vdash
}
\hspace{2em}
\displaylines{\displaylines{
{\tiny \overline{\hspace{4em}}}_\dagger\\
\vdash CD^\perp}\hspace{1em}\displaylines{
{\tiny \overline{\hspace{4em}}}_\dagger\\
\vdash DVD^\perp}\\
{\tiny \overline{\hspace{10em}}}\\
CD\oplus DVD\vdash}\\
{\tiny \overline{\hspace{16em}}}\\
\vdash E\otimes(L^\perp\oplus(CD\oplus DVD)^\perp)\\
{\tiny \overline{\hspace{16em}}}\\
\downarrow(E\otimes(L^\perp\oplus(CD\& DVD)^\perp))^\perp\vdash}

Nous représentons enfin les stratégies d’Alice et Bob, relatives l’échange initié autour du contrat, par des desseins dont les para-preuves ci-dessus sont des décorations. Nous rendrons compte dans la section suivante du déroulement du contrat par l’interaction entre ces desseins. L’interaction contractuelle entre Alice et Bob est ancrée (de façon arbitraire) sur un lieu \xi.

Bob a deux stratégies :

1. - il énonce le contrat (ce que l’on représente par une action positive (\xi,\{ 0\})) ;
- il est prêt à recevoir un euro et donner un livre (représenté par une action négative (-,\xi.0,\{1,2\})) et il est prêt à recevoir un euro et choisir une surprise ((-,\xi.0,\{1,3\})) ;
- à la suite du choix par Alice du premier terme de l’alternative, Bob s’apprête à donner le livre en échange de l’euro et terminer alors l’échange [8] (par l’action positive \dagger) ; à la suite du choix du second terme par Alice, Bob choisit de donner un CD ( soit l’action positive (+,\xi.0.3,\{ 1\})).
2. la seule différence avec la stratégie précédente est qu’à la suite du choix par Alice de la surprise, Bob choisit de donner un DVD ((+,\xi.0.3,\{ 2\})).

Les deux stratégies de Bob correspondent respectivement aux deux desseins suivants :


\displaylines{
\displaylines{
\vphantom{\xi\\}
{\tiny \overline{\hspace{5em}}}_\dagger\\
\vdash \xi.0.1,\xi.0.2}
\hspace{2em}
\displaylines{ \xi.0.3.1\vdash \xi.0.1\\
{\tiny \overline{\hspace{6em}}}\\         
\vdash \xi.0.1,\xi.0.3}\\
{\tiny \overline{\hspace{14em}}}\\
\xi.0\vdash \\
{\tiny \overline{\hspace{14em}}}\\
\vdash\xi} 

\hspace{4em}

\displaylines{
\displaylines{
\vphantom{\xi\\}
{\tiny \overline{\hspace{5em}}}_\dagger\\
\vdash \xi.0.1,\xi.0.2}\hspace{2em}\displaylines{\xi.0.3.2\vdash \xi.0.1\\
{\tiny \overline{\hspace{6em}}}\\         
\vdash \xi.0.1,\xi.0.3}\\
{\tiny \overline{\hspace{14em}}}\\
\xi.0\vdash \\
{\tiny \overline{\hspace{14em}}}\\
\vdash\xi}

On peut décrire les stratégies d’Alice :

1. - Alice enregistre la proposition de Bob (par l’action négative (-,\xi,\{0\})) ;
- elle donne un euro et choisit le livre (c’est une action positive (+,\xi.0,\{1,2\})) ;
2. - Alice enregistre la proposition de Bob (par l’action négative (-,\xi,\{0\})) ;
- elle donne un euro et choisit la surprise (c’est une action positive (+,\xi.0,\{1,3\})) ;
- elle se prépare à recevoir un CD et à recevoir un DVD (deux actions négatives (-,\xi.0.3,\{1\}) et (-,\xi.0.3,\{1\})) ;
- Dans les deux cas, elle met fin à l’échange par l’action positive \dagger.

Les deux stratégies d’Alice correspondent respectivement aux deux desseins suivants :


\displaylines{
\displaylines{
\vphantom{
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\
\xi\\
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
}
\xi.0.1\vdash\hspace{2em}\xi.0.2\vdash}\\
{\tiny \overline{\hspace{8em}}}\\
\vdash \xi.0\\
{\tiny \overline{\hspace{8em}}}\\
\xi\vdash}


\hspace{4em}
\displaylines{
\displaylines{
\vphantom{
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\
\xi\\
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
}
\xi.0.1\vdash
}
\hspace{2em}
\displaylines{\displaylines{
{\tiny \overline{\hspace{4em}}}_\dagger\\
\vdash \xi.0.3.1}\hspace{1em}\displaylines{
{\tiny \overline{\hspace{4em}}}_\dagger\\
\vdash \xi.0.3.2}\\
{\tiny \overline{\hspace{10em}}}\\
\xi.0.3\vdash}\\
{\tiny \overline{\hspace{15em}}}\\
\vdash \xi.0\\
{\tiny \overline{\hspace{15em}}}\\
\xi\vdash}

1.1.2 L’interaction

Les desseins sont construits sur le modèle de preuves ou de réseaux sans coupure. La signification profonde de la coupure est la composition des morphismes ou des stratégies. En Ludique, elle se traduit concrètement par une coincidence de deux lieux en position duale dans les bases de deux desseins. On pourra couper par exemple un dessein de base \sigma\vdash\xi et un dessein de base \xi\vdash\rho formant ainsi un réseau [9] de base \sigma\vdash\rho. La coupure matérialise l’interaction ; elle créée une dynamique de réécriture du réseau jusqu’à obtenir un dessein de même base et, par définition, sans coupure. Nous décrivons de façon simplifiée cette dynamique :

  • Cas clos Soit {\cal R} un réseau clos, c’est à dire que {\cal R} est constitué de plusieurs desseins, par exemple {\cal E}_1 de base \xi\vdash, {\cal E}_2 de base \rho\vdash et {\cal D} de base \vdash\xi,\rho ; le dessein éventuellement obtenu au terme de l’interaction serait de base \vdash (d’où l’appellation de “cas clos”). On considère le dessein positif {\cal D} de base \vdash\xi,\rho et de première règle k :

- si k est le daïmon alors la forme normale de {\cal R} notée <span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href='#nb2-10' class='spip_note' rel='appendix' title='\cal R' id='nh2-10'>10</a>]</span> est le dessein {\cal D}ai^+. C’est le seul cas de terminaison d’un réseau clos et on dit alors que la normalisation du réseau {\cal R} (l’interaction entre les desseins {\cal E}_1, {\cal E}_2, {\cal D}) converge.

- si k=(\xi,I) alors on considère la dernière règle du dessein {\cal E}_1 de base \xi\vdash qui est de la forme (\xi,{\cal N}).

- Si I\notin {\cal N} la normalisation échoue.

- Si I\in{\cal N} alors pour i\in I, on pose {\cal D}_i le sous dessein de {\cal D} de base \xi. i\vdash ou \xi. i\vdash\rho et on pose {\cal E}’ le sous dessein de base \vdash \xi. I de {\cal E}_1. On définit le réseau {\cal S} en rempla\c cant {\cal D}, {\cal E}_1 et {\cal E}_2 par les {\cal D}_i, {\cal E’} et {\cal E}_2 ; le réseau {\cal S} n’est pas nécessairement connecté (à cause de l’affaiblissement) ; on note {\cal S}’ la composante connexe de {\cal E’} dans {\cal S}. On pose alors <span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href='#nb2-11' class='spip_note' rel='appendix' title='\cal R' id='nh2-11'>11</a>]</span>=<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href='#nb2-12' class='spip_note' rel='appendix' title='\cal S’' id='nh2-12'>12</a>]</span>.

- le cas où k=(\rho,J) est similaire au cas précédent.

  • Cas ouvert Il y a, en plus des cas précédents, deux nouvelles possibilités :

- le réseau est positif (de base positive), la première règle du seul dessein positif du réseau est (\xi,I) et \xi n’est pas une coupure du réseau. On remplace {\cal D} par ses sous-desseins {\cal D}_i qui contiennent les lieux de coupures dans un nouveau réseau {\cal R’} qui contient plusieurs composantes connexes qui sont des réseaux {\cal R}_i (si {\cal D}_j ne contient pas de lieu de coupure, {\cal R}_j={\cal D}_j), on aura


\begin{array}{c}
\vphantom{\cal R\\
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_{(\xi,I)}} \cr
<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href='#nb2-13' class='spip_note' rel='appendix' title='\cal R' id='nh2-13'>13</a>]</span>=
\end{array}
\displaylines{\dots<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href='#nb2-14' class='spip_note' rel='appendix' title='\cal R_i' id='nh2-14'>14</a>]</span>\dots\\
{\tiny \overline{\hspace{5em}}}_{(\xi,I)}\\
\qquad\vdash \Delta,\xi\qquad}

- le réseau est négatif de base \xi\vdash\Delta. On considère le dessein {\cal D} du réseau qui est de base \xi\vdash\Sigma. Sa dernière règle est de la forme : (\xi,{\cal N}). On remplace par des réseaux construits avec les sous desseins {\cal D}_I de {\cal D} qui contiennent effectivement les lieux coupés de {\cal R} et on obtient


\begin{array}{c}
\vphantom{\cal R\\
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_{(\xi,I)}} \cr
<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href='#nb2-15' class='spip_note' rel='appendix' title='\cal R' id='nh2-15'>15</a>]</span>=
\end{array}
\displaylines{\dots<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href='#nb2-16' class='spip_note' rel='appendix' title='\cal R_I' id='nh2-16'>16</a>]</span>\dots\qquad\qquad\\
{\tiny \overline{\hspace{7em}}}_{(\xi,{\cal N}’)}\\
\quad\xi\vdash \Delta\qquad\qquad}

EXEMPLE : Chaque stratégie d’Alice vue dans l’exemple ci-dessus converge avec chaque stratégie de Bob. Considérons par exemple l’interaction entre la première stratégie d’Alice et la première stratégie de Bob :


\displaylines{
\displaylines{
\displaylines{
\vphantom{\xi\\{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\}
\xi.0.1\vdash\hspace{2em}\xi.0.2\vdash
}\\
{\tiny \overline{\hspace{8em}}}\\
\vdash \xi.0\\
{\tiny \overline{\hspace{8em}}}\\
\xi\vdash}
\hspace{2em}
\displaylines{
\displaylines{\vphantom{\xi\\}
{\tiny \overline{\hspace{5em}}}_\dagger\\
\vdash \xi.0.1,\xi.0.2}\hspace{2em}\displaylines{ \xi.0.3.1\vdash \xi.0.1\\
{\tiny \overline{\hspace{6em}}}\\         
\vdash \xi.0.1,\xi.0.3}\\
{\tiny \overline{\hspace{14em}}}\\
 \xi.0\vdash \\
{\tiny \overline{\hspace{14em}}}\\
\vdash \xi} \\
\qquad{\tiny \overline{\hspace{17em}}}\qquad\qquad}

Une première conversion donne :


\displaylines{
\displaylines{
\vphantom{\xi\\{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\}
\xi.0.1\vdash\hspace{2em}\xi.0.2\vdash\\
{\tiny \overline{\hspace{8em}}}\\
\vdash \xi.0}
\hspace{2em}
 \displaylines{
\displaylines{
\vphantom{\xi\\}
{\tiny \overline{\hspace{5em}}}_\dagger\\
 \vdash \xi.0.1,\xi.0.2}\hspace{2em}\displaylines{ \xi.0.3.1\vdash \xi.0.1\\
                                     {\tiny \overline{\hspace{6em}}}\\         
                          \vdash \xi.0.1,\xi.0.3}\\
{\tiny \overline{\hspace{14em}}}\\
 \xi.0\vdash } \\
\qquad{\tiny \overline{\hspace{18em}}}\qquad\qquad}

Et la seconde :


\displaylines{
\displaylines{
\phantom{{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\}
\xi.0.1\vdash}
\hspace{2em}
\displaylines{{\tiny \overline{\hspace{5em}}}_\dagger\\
\vdash \xi.0.1,\xi.0.2}
\hspace{2em}
\displaylines{\phantom{{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\}\xi.0.2\vdash}\\
{\tiny \overline{\hspace{7em}}}\qquad{\tiny \overline{\hspace{7em}}}}


Et enfin la troisième conversion [17] amène à
\displaylines{{\tiny \overline{\hspace{4em}}}_\dagger\\
\qquad\vdash\qquad}, c’est à dire au dessein {\cal D}ai^+.

L’interaction entre la deuxième stratégie d’Alice et la première stratégie de Bob :


\displaylines{
\displaylines{

\displaylines{
\vphantom{
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\
\xi\\
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
}
    \xi.0.1\vdash
}
\hspace{2em}
\displaylines{
    \displaylines{
        {\tiny \overline{\hspace{5em}}}_\dagger\\
        \vdash \xi.0.3.1
    }
    \hspace{1em}
    \displaylines{
        {\tiny \overline{\hspace{5em}}}_\dagger\\
        \vdash \xi.0.3.2
    }\\
    {\tiny \overline{\hspace{12em}}}\\
    \xi.0.3\vdash
}\\
{\tiny \overline{\hspace{18em}}}\\
\vdash \xi.0\\
{\tiny \overline{\hspace{14em}}}\\
\xi\vdash
}

\hspace{2em}

\displaylines{

\displaylines{
    \vphantom{{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
    \xi\\}
    {\tiny \overline{\hspace{6em}}}_\dagger\\
    \vdash \xi.0.1,\xi.0.2
}
\hspace{1em}
\displaylines{
    \vphantom{{\tiny \overline{\hspace{6em}}}_\dagger\\}
    \xi.0.3.1\vdash \xi.0.1\\
    {\tiny \overline{\hspace{6em}}}\\         
    \vdash \xi.0.1,\xi.0.3
}\\
{\tiny \overline{\hspace{13em}}}\\
\xi.0\vdash \\
{\tiny \overline{\hspace{13em}}}\\
\vdash\xi
}\\
\qquad\qquad{\tiny \overline{\hspace{24em}}}\qquad\qquad
}

Après deux étapes de conversion, on obtient :


\displaylines{
\displaylines{
\vphantom{
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\
\xi\\
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
}
\xi.0.1\vdash
}
\hspace{2em}\displaylines{
\vphantom{{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\}
 \xi.0.3.1\vdash \xi.0.1\\
{\tiny \overline{\hspace{6em}}}\\ \vdash \xi.0.1,\xi.0.3} 
\hspace{2em}
\displaylines{\displaylines{
{\tiny \overline{\hspace{4em}}}_\dagger\\
\vdash \xi.0.3.1}\hspace{1em}\displaylines{{\tiny \overline{\hspace{4em}}}_\dagger\\
\vdash \xi.0.3.2}\\
{\tiny \overline{\hspace{10em}}}\\
\xi.0.3\vdash}\\
{\tiny \overline{\hspace{8em}}}\quad\quad{\tiny \overline{\hspace{9em}}}\qquad\qquad
}


L’étape suivante (en choisissant d’abord la coupure sur \xi.0.3) amène à :


\displaylines{
\displaylines{
{\tiny \overline{\hspace{4em}}}_\dagger\\
\vdash\xi.0.3.1}
\hspace{2em}
\displaylines{
\vphantom{{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\}
\xi.0.3.1\vdash\xi.0.1}
\hspace{2em}
\displaylines{
\vphantom{{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\}
\xi.0.1\vdash
}\\
{\tiny \overline{\hspace{8em}}}\qquad{\tiny \overline{\hspace{7em}}}}


Puis à :


\displaylines {
\displaylines {{\tiny \overline{\hspace{3em}}}_\dagger\\
\vdash\xi.0.1}
\hspace{2em}
\displaylines {
\vphantom{{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\}
\xi.0.1\vdash
}\\
{\tiny \overline{\hspace{8em}}}}

Et enfin à {\cal D}ai^+.

EXEMPLE : La normalisation avec {\cal F}ax est particulièrement importante ; elle permet de -délocaliser un dessein, le déplacer en modifiant son lieu d’ancrage. En effet, l’interaction entre un dessein {\cal D} de base \vdash\xi et le {\cal F}ax de base \xi\vdash\rho a pour résultat un dessein {\cal D}’ de base \vdash\rho qui est en fait identique au dessein {\cal D} sauf qu’on a remplacé dans tout le dessein le lieu \xi par le lieu \rho.

 
\displaylines{
\displaylines{\displaylines{{\cal D}_1\\
\xi.1\vdash}\hspace{1em}
\displaylines{
\vphantom{\cal D\\}
\dots
}
\displaylines{{\cal D}_i\\
\xi.i\vdash}\hspace{1em}
\displaylines{
\vphantom{\cal D\\}
\dots
}
\displaylines{{\cal D}_n\\
\xi.n\vdash}\\
{\tiny \overline{\hspace{11em}}}_{(\xi,I)}\\
\qquad\vdash\xi\qquad}
\hspace{2em}
\displaylines{{\cal F}ax\\
\vdots\\
\xi\vdash\rho}\\
\qquad{\tiny \overline{\hspace{15em}}}\quad}

Après deux étapes de conversion on obtient :


\displaylines{\displaylines{<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href='#nb2-18' class='spip_note' rel='appendix' title='\cal Fax_\rho1,\xi1,\cal D_1' id='nh2-18'>18</a>]</span>\\
\rho.1\vdash} \hspace{1em}
\displaylines{
\vphantom{\cal D\\}
\dots
}
\displaylines{<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href='#nb2-19' class='spip_note' rel='appendix' title='\cal Fax_\rho.i,\xi.i,\cal D_i' id='nh2-19'>19</a>]</span>\\
\rho.i\vdash}\hspace{1em}
\displaylines{
\vphantom{\cal D\\}
\dots
}
\displaylines{<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href='#nb2-20' class='spip_note' rel='appendix' title='\cal Fax_\rho.n,\xi.n,\cal D_n' id='nh2-20'>20</a>]</span>\\
\rho.n\vdash}\\
{\tiny \overline{\hspace{24em}}}_{(\rho,I)}\\
\qquad\vdash\rho\qquad}


qui a pour effet de reproduire la dernière règle de {\cal D} comme dernière règle de la forme normale, et ainsi de suite\dots

Nous utiliserons enfin dans ce texte la notion ludique de dispute qui intuitivement peut-être présentée de la façon suivante : une dispute entre deux desseins connectés par une coupure est la suite des actions (la polarité dépendant du point de vue duquel on observe l’interaction) qui sont effectivement et successivement concernées par l’interaction.

Ainsi dans l’exemple de l’interaction entre la deuxième stratégie d’Alice et la première de Bob, la dispute (du point de vue d’Alice) est : (-,\xi,\{0\}),(+,\xi.0,\{1,3\})(-,\xi.0.3,\{1\})\dagger.

1.2 Formalisation ludique des dialogues

Nous postulons que la ludique, qui permet notamment de rendre compte de l’aspect dynamique des situations d’interaction, est un cadre pertinent pour formaliser les dialogues. Nous nous appuyons sur l’évidence qu’une approche interactive et dynamique est nécessaire pour l’étude des dialogues ; nous faisons l’hypothèse qu’une ébauche de formalisation ne retenant que la surface interactive de l’objet “dialogue” que l’on tente de capturer est pertinente et fructueuse pour une analyse ultérieure plus fine.
Dans cette démarche de formalisation nous ne portons attention pour commencer qu’à certains éléments des dialogues, les éléments qui sont supports de l’interaction. Nous superposons alors une déconstruction du dialogue (l’articulation et l’analyse des interventions successives en fonction des ouvertures qu’elles créent) et une reconstruction des stratégies sur lesquelles l’interaction dialogique se déploie. Nous retenons alors d’un dialogue qu’il est le résultat d’une interaction entre les stratégies de deux interlocuteurs.
En outre, la stratégie d’un interlocuteur au cours d’un dialogue en construction est elle-même en construction ; elle peut résulter d’une interaction entre le dialogue en cours et l’objectif poursuivi en participant au dialogue, entre le dialogue en cours et les échanges enregistrés précédemment, au cours du même dialogue ou dans des dialogues antérieurs, entre le dialogue en cours et des éléments contextuels. La nature des objets de la ludique nous permet de rendre compte de cette dynamique à l’oeuvre dans la construction des stratégies supportant le dialogue. Celles-ci vont être représentées par des desseins. Or les desseins peuvent eux-mêmes résulter d’une interaction. Nous utiliserons cette propriété des desseins pour rendre compte du fait que les stratégies, supports du dialogue résultent éventuellement d’une interaction avec des desseins extérieurs au dialogue en cours.
Nous allons alors envisager différents niveaux de granularité dans la décomposition formelle des dialogues : On considérera, pour une décomposition élémentaire, le dialogue comme alternance d’interventions signées, en retenant sur quel lieu créé par les interventions précédentes de son interlocuteur, le locuteur ancre sa propre intervention. On verra alors émerger des figures (des arbres : les desseins de la Ludique) qui sont les supports de l’enchaînement des interventions et dans lesquelles on peut repérer la trace de l’interaction qui est effectivement réalisée par le dialogue. On pourra ensuite affiner cette approche et décomposer les interventions elles-mêmes, relativement à la manière dont elles sont dynamiquement construites. Cette analyse plus fine nous permettra de repérer comment interviennent des éléments annexes dans l’élaboration d’une intervention. De tels éléments annexes pourront être par exemple, une succession d’interventions non explicitées, des dialogues antérieurs, des éléments de contexte. Enfin, nous évoquerons la possibilité de formaliser en Ludique les reprises dans un dialogue.

1.2.1 Le dialogue comme trace d’une interaction

On observe un dialogue et les interventions de chacun des interlocuteurs du seul point de vue de l’interaction : sur quelles (parties des) interventions précédentes de son interlocuteur, l’intervention du locuteur s’accroche-t-elle et, à son tour, quelles ouvertures crée-t-elle pour la poursuite du dialogue ? Nous retenons d’un dialogue les seuls éléments suivants : un dialogue est une succession alternée d’interventions ; une intervention s’ancre sur un certain lieu (une “sous-formule”, un sous-contenu propositionnel, un sous-entendu) parmi ceux créés par les interactions précédentes et en crée de nouveaux ; certaines interventions permettent de clôre le dialogue.
Il est alors possible de représenter un dialogue en Ludique à partir des éléments suivants :

  • L’intervention d’un locuteur est une action (\epsilon,\xi,I), où :

- \epsilon est une polarité : + (du point de vue du locuteur qui fait l’intervention) ou - (du point de vue de l’interlocuteur qui enregistre l’intervention) ;
- le foyer \xi est le lieu à partir duquel un locuteur : engage (est engagé dans) le dialogue ou bien le poursuit à partir des ouvertures (sous-énoncés) créées par une intervention précédente de son interlocuteur ;
- la ramification I indique les ouvertures créées par l’intervention.

  • En Ludique, une suite alternée d’actions peut être une partie vue d’un point de vue statique (anticipée ou racontée) ou une partie en train de se jouer. De la même façon, un dialogue, qui est une suite alternée d’interventions, peut-être considéré comme le récit de cette alternance par un des locuteurs (chronique) ou de façon plus dynamique comme la trace d’une interaction entre les stratégies de chacun des interlocuteurs (dispute).
  • On peut alors représenter l’organisation des interventions successives d’un interlocuteur (le support de l’interaction de son point de vue) par un dessein. Dont on interprète les règles constitutives de la façon suivante :

- Jouer le daïmon : interrompre un dialogue ;
- Avancer une règle positive : faire une intervention ;
- Posséder une règle négative : enregistrer/ accepter/ prévoir les interventions de l’interlocuteur.

EXEMPLE : Considérons la situation suivante : P sait que O possède trois biens immobiliers  1,  2 et  3 et a entendu dire que O souhaite vendre certains de ses biens ; P, qui est intéressé par le bien  1, initie un dialogue avec O. P souhaite savoir si O va vendre  1 et si oui à quel prix, tout en ne montrant pas tout de suite qu’il est intéressé par cet achat.
On peut imaginer plusieurs dialogues :
Un premier dialogue possible :
P : J’ai entendu dire que tu avais l’intention de vendre des biens immobiliers, lesquels ?
O : Je vais vendre 1 et  2.
P : A quel prix vends-tu  1
O : Je vends 1 à 100000 euros
P : Ah d’accord
Un second dialogue :
P : J’ai entendu dire \dots.
O : Je vais vendre  2 et  3.
P : Ah très bien, je te souhaite bonne chance
On représente le premier dialogue D_1 comme l’interaction entre les deux desseins suivants :


\displaylines{
\displaylines{{\tiny \overline{\hspace{8em}}}_\dagger\\
\vdash \sigma.0.1.5.100,\sigma.0.2 \\
{\tiny \overline{\hspace{8em}}}\\
\sigma.0.1.5\vdash\sigma.0.2\\
{\tiny \overline{\hspace{8em}}}\\
\vdash\sigma.0.1,\sigma.0.2 \\
{\tiny \overline{\hspace{8em}}}\\
\sigma.0\vdash\\
{\tiny \overline{\hspace{8em}}}\\
 \vdash\sigma  }
\hspace{2em}
\displaylines{ 
\displaylines{
\vphantom{{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\}
\sigma.0.1.5.100\vdash\\
{\tiny \overline{\hspace{6em}}}\\
\vdash \sigma.0.1.5 \\
{\tiny \overline{\hspace{6em}}}\\
 \sigma.0.1\vdash}\hspace{1em}
\displaylines{
\vphantom{
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\
0\\
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
0\\
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
}
\sigma.0.2\vdash
}\\
{\tiny \overline{\hspace{10em}}}\\
\vdash\sigma.0\\
{\tiny \overline{\hspace{10em}}}\\
 \sigma\vdash}\\
\qquad{\tiny \overline{\hspace{14em}}}\qquad\qquad\\
 P\qquad\qquad \qquad \qquad O}


C’est à dire que le dialogue est la dispute suivante :


\begin{array}{c}
(P,\sigma,\{0\}) & (O,\sigma.0,\{1,2\}) & (P,\sigma.0.1,\{5\}) & (O,\sigma.0.1.5,\{100\}) & (P,\dagger) \cr
\text{j’ai entendu dire }\dots & \text{je vends 1 et 2} & \text{combien vends-tu 1} & \text{100000 euros} & \text{Ah d’accord}
\end{array}

Le deuxième dialogue D_2 est l’interaction entre les deux desseins suivants :


\displaylines{
 \displaylines{ {\tiny \overline{\hspace{5em}}}_\dagger\\
 \vdash \sigma.0.2,\sigma.0.3\\
 {\tiny \overline{\hspace{5em}}}\\
  \sigma.0\vdash\\
 {\tiny \overline{\hspace{5em}}}\\
  \vdash\sigma}
  \hspace{2em}
  \displaylines{ 
\vphantom{{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\}
 \sigma.0.2\vdash\hspace{1em}\sigma.0.3\vdash\\
 {\tiny \overline{\hspace{7em}}}\\
 \vdash\sigma.0\\
 {\tiny \overline{\hspace{7em}}}\\
  \sigma\vdash}\\
 \qquad\quad{\tiny \overline{\hspace{8em}}}\qquad\qquad\\
P\qquad\qquad \qquad O}


C’est à dire la dispute suivante :


\begin{array}{c}
(P,\sigma,\{0\}) & (O,\sigma.0,\{2,3\}) & (P,\dagger)\\
\text{j’ai entendu dire }\dots & \text{je vends 2 et 3} &  \text{Ah très bien, je te souhaite bonne chance.}
 \end{array}


REMARQUE : On peut représenter par un dessein (ensemble de chroniques), le projet de conversation que P a construit en vue d’obtenir les informations suivantes : est-ce que O vend 1 et si oui à quel prix ?


\displaylines{
\displaylines{
\displaylines{\vphantom{{\tiny \overline{\hspace{0.5em}}}_\dagger\\}\dots\\}
\displaylines{{\tiny \overline{\hspace{3em}}}_\dagger\\
\vdash 0.1.5.i}
\displaylines{\vphantom{{\tiny \overline{\hspace{0.5em}}}_\dagger\\}\dots\\}\\
\quad{\tiny \overline{\hspace{4em}}}\quad\\
 0.1.5\vdash\\
\quad{\tiny \overline{\hspace{4em}}}\quad\\
\vdash  0.1, 0.2
}
\displaylines{
\displaylines{\vphantom{{\tiny \overline{\hspace{0.5em}}}_\dagger\\}\dots\\}
\displaylines{{\tiny \overline{\hspace{3em}}}_\dagger\\
\vdash 0.1.5.i}
\displaylines{\vphantom{{\tiny \overline{\hspace{0.5em}}}_\dagger\\}\dots\\}\\
\quad{\tiny \overline{\hspace{4em}}}\quad\\
 0.1.5\vdash \\
\quad{\tiny \overline{\hspace{4em}}}\quad\\
\vdash  0.1
}
\displaylines{
\displaylines{\vphantom{{\tiny \overline{\hspace{0.5em}}}_\dagger\\}\dots\\}
\displaylines{{\tiny \overline{\hspace{3em}}}_\dagger\\
\vdash 0.1.5.i}
\displaylines{\vphantom{{\tiny \overline{\hspace{0.5em}}}_\dagger\\}\dots\\}\\
\quad{\tiny \overline{\hspace{4em}}}\quad\\
 0.1.5\vdash \\
\quad{\tiny \overline{\hspace{4em}}}\quad\\
\vdash 0.1., 0.3
}
\displaylines{
\displaylines{\vphantom{{\tiny \overline{\hspace{0.5em}}}_\dagger\\}\dots\\}
\displaylines{{\tiny \overline{\hspace{3em}}}_\dagger\\
\vdash 0.1.5.i}
\displaylines{\vphantom{{\tiny \overline{\hspace{0.5em}}}_\dagger\\}\dots\\}\\
\quad{\tiny \overline{\hspace{4em}}}\quad\\
 0.1.5\vdash \\
\quad{\tiny \overline{\hspace{4em}}}\quad\\
\vdash 0.1, 0.2, 0.3
}
\hspace{0.3em} 
\displaylines{
\vphantom{{\tiny \overline{\hspace{0.5em}}}_\dagger\\0\\{\tiny \overline{\hspace{0.5em}}}\\0\\}
{\tiny \overline{\hspace{2em}}}_{\dagger}\\
\vdash   0.3
}
\hspace{0.3em} 
\displaylines{
\vphantom{{\tiny \overline{\hspace{0.5em}}}_\dagger\\0\\{\tiny \overline{\hspace{0.5em}}}\\0\\}
{\tiny \overline{\hspace{2em}}}_{\dagger}\\
\vdash   0.2
}
\hspace{0.3em}
\displaylines{
\vphantom{{\tiny \overline{\hspace{0.5em}}}_\dagger\\0\\{\tiny \overline{\hspace{0.5em}}}\\0\\}
{\tiny \overline{\hspace{3em}}}_{\dagger}\\
\vdash   0.2, 0.3
}\\
\qquad\qquad{\tiny \overline{\hspace{32.5em}}}\\
 0\vdash\\
\qquad\qquad\qquad\qquad\qquad{\tiny \overline{\hspace{18em}}}\qquad\qquad\qquad\qquad\qquad\\
\vdash< >
}


Il s’agit bien d’une stratégie de conversation : P imagine les réponses possibles de O à sa question initiale et prévoit comment, dans chacun des cas, poursuivre le dialogue.

1.2.2 Décomposition des interventions

Si la formalisation, proposée ci-dessus, d’une discussion par une chronique ou une dispute semble pertinente pour rendre compte de l’aspect dynamique d’un dialogue dont l’objet est l’échange d’information, elle va s’avérer vite limitée pour étudier des dialogues d’une autre nature, en particulier les controverses. En outre, elle ne permet pas, en l’état, de prendre en compte d’autres aspects du dialogue qui nous intéressent, typiquement le rôle des éléments annexes.
Ainsi, nous étendons immédiatement notre formalisation en posant que les interventions ne seront plus seulement des actions (un seul pas dans le dessein) mais pourront être également des desseins voire des réseaux.
Associer à une intervention, un dessein ou un réseau indique alors qu’il serait possible de décomposer cette intervention en des échanges plus élémentaires. C’est justement ce qui sera fait, permettant de saisir alors comment les interventions elles-mêmes sont dynamiquement construites.

EXEMPLE : Un interlocuteur use de présupposition lorsqu’il intervient dans un dialogue en imposant implicitement la validité de certaines propositions.
Considérons l’exemple bien connu, dû à Aristote, d’un juge questionnant un jeune délinquant :
“Avez-vous cessé de battre votre père ?”. En quelque sorte, le juge impose comme référence commune aux deux interlocuteurs l’échange suivant :
“Vous battiez votre père ?” — “Oui” — “Avez-vous cessé de le battre ?”.
Echange qui peut être représenté, selon la formalisation élementaire que nous avons proposée en 1.2.1 par l’interaction suivante :


\displaylines{
\displaylines{
\displaylines{\xi.0.1.0\vdash\\
{\tiny \overline{\hspace{4em}}}\\
\vdash\xi.0.1}\hspace{1em}
\displaylines{
\vphantom{\xi\\{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\}
\vdash\xi.0.2
}\\
{\tiny \overline{\hspace{8em}}}\\
 \xi.0\vdash\\
{\tiny \overline{\hspace{8em}}}\\
\vdash \xi}
\hspace{1em}
\displaylines{
\vphantom{\xi\\{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\}
\xi.0.1\vdash \\
{\tiny \overline{\hspace{3em}}}\\
\vdash \xi.0\\
{\tiny \overline{\hspace{3em}}}\\
\xi\vdash}\\
\qquad\qquad{\tiny \overline{\hspace{7em}}}\qquad\\
\quad J\qquad\qquad\qquad D}

Lorsqu’il use de présupposition, l’intervention du juge n’est pas une simple action, mais toute une chronique : (+,\xi,\{0\})(-,\xi.0,\{1\})(+,\xi.0.1,\{0\}.


\displaylines{
\displaylines{
\displaylines{{{\xi.0.1.0}}\vdash\\
{\tiny \overline{\hspace{4em}}}\\
\vdash {{\xi.0.1}}}\hspace{1em}
\displaylines{
\vphantom{\xi\\{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\}
\vdash\xi.0.2
}\\
{\tiny \overline{\hspace{9em}}}\\
 {\bf\xi.0}\vdash\\
{\tiny \overline{\hspace{9em}}}\\
\vdash {{\xi}}}
\hspace{1em}
\displaylines{\vdash \xi.0.1.0\\
{\tiny \overline{\hspace{4em}}}\\
 \xi.0.1\vdash \\
{\tiny \overline{\hspace{4em}}}\\
\vdash \xi.0\\
{\tiny \overline{\hspace{4em}}}\\
\xi\vdash}\\
\qquad\qquad{\tiny \overline{\hspace{8em}}}\qquad\\
J\qquad\qquad\qquad D}

De la sorte J prive son interlocuteur d’une branche qui lui était due.
Si D accepte de répondre selon cette configuration (en ne divergeant pas) il est piégé : il doit enregistrer toute la chronique :

(-,\xi,\{0\})(+,\xi.0,\{1\})(-,\xi.0.1,\{0\} et répondre à partir du lieu \xi.0.1.0 ; ce faisant, il a implicitement répondu “oui” à la question “Vous battiez votre père ?”.

REMARQUE : Cette analyse plus fine est obtenue en ayant étendu les interventions à être elles-même des desseins (dans l’exemple ci-dessus un dessein réduit à une chronique) et plus seulement des coups. Ceci va nous permettre, ainsi que nous le verrons à partir de la section 2.2.1 de pointer comment les interventions utilisent des éléments extraits du contexte au dialogue en cours. En effet la déconstruction des desseins associés à de telles interventions fera apparaître explicitement comment ceux-ci utilisent interactivement sous forme de desseins des éléments du contexte.

1.2.3 “Les reprises” dans le dialogue

Enfin, la Ludique nous fournit des outils pour formaliser les “reprises” dans un dialogue : la possibilité que peut utiliser chacun des interlocuteurs de corriger une intervention passée et en proposer une nouvelle à la place. C’est à dire, en termes de jeux, la possibilité de rejouer un coup positif.
Afin d’intégrer les formules exponentielles de la logiques linéaire, soit essentiellement la possibilité d’identifier [21] différentes occurences d’une même formule, certaines propositions d’extension de la Ludique ont été avancées. Michele Basaldella [Basaldella-07] propose de manipuler des multi-adresses (des lieux constitués d’entiers indexés) et de gérer ainsi la possibilité, non autorisée jusqu’alors, de rejouer une action positive sur un lieu déjà visité (à condition que ce lieu soit une multi-adresse). Nous ne précisons pas davantage les aspects techniques de cette notion ; nous retenons cette possibilité et l’illustrerons par des exemples dans la suite du texte.

1.3 Les stratagèmes formalisés dans la cadre de la ludique

Dans l’ouvrage L’art d’avoir toujours raison l’intention affirmée de Schopenhauer est de définir la dialectique comme “l’art de gagner les controverses”. Il s’émancipe délibérement de la logique qu’il qualifie de “communément admise”. Il insiste sur le fait que la motivation dialectique est de poursuivre un dialogue avec l’adversaire dans l’unique but de gagner (avoir le dernier mot ; obliger l’adversaire à reconnaître que nous avons raison). La tentation est grande de faire le rapprochement avec la Ludique dans laquelle les desseins se déploient dans l’unique but d’interagir avec des contre-desseins et gagnent lorsque le contre-dessein abandonne. Et en effet la Ludique semble un bon cadre pour formaliser les stratagèmes : en Ludique également les objets, plus généraux que des preuves, ne cherchent pas à établir la vérité mais à gagner. Or gagner en Ludique signifie poursuivre l’interaction jusqu’à l’abandon du contre-dessein. On a alors une bonne épure de la motivation qui est à l’oeuvre dans la construction des stratagèmes : poursuivre l’interaction jusqu’à l’abandon de l’adversaire, indépendamment de toute autre considération. En outre, ainsi que l’indique le stratagème 37 si l’adversaire a aussi raison quant à l’objet du débat, mais qu’heureusement il a recours, pour le prouver, à une preuve exécrable, il nous est facile de réfuter cette preuve, et de prétendre que c’est là une réfutation du fait lui-même. Et la Ludique qui offre la liberté de manipuler des desseins plutôt que seulement des vraies preuves permet de rendre compte de tel stratagème : il suffit de gagner contre un seul dessein pour sembler avoir nié la proposition de l’adversaire et ainsi avoir gagné la controverse.
Ainsi, résumé dans notre vocabulaire, le ressort des stratagèmes consiste à trouver un dessein gagnant dans l’interaction avec le contre dessein de l’adversaire (c’est à dire la manière dont l’adversaire va mener ses interventions lorsqu’il interagit dans le dialogue).

Nous allons représenter les supports des controverses étudiés par Schopenhauer sous la forme de desseins. La plupart des interventions considérées dans les stratagèmes consistent à affirmer une thèse ou à avancer une justification, un (des) contre-argument(s) ou à accepter l’argument de l’adversaire. Dans ce cas, nous utiliserons la décomposition élémentaire des échanges que nous avons présentée dans la section 1.2.1, et nous représentons ces interventions de la façon suivante :

  • avancer une proposition (affirmer, nier une thèse ; produire un contre-argument ; justifier une affirmation par un certain nombre de prémisses) = Jouer une action positive (+,\xi,I).

REMARQUE : A ce niveau, la représentation est très pauvre : nous retenons seulement qu’une intervention est faite et nous distinguons seulement, par le cardinal de la ramification, les ouvertures qui sont créées et sur lesquelles l’interlocuteur pourra choisir (s’il y en a plusieurs) de poursuivre. Ainsi par exemple, lorsqu’une proposition sera avancée sans justification particulière, la ramification I sera un singleton ; si la proposition avancée est en même temps justifiée (par exemple l’affirmation d’une thèse A en la justifiant par B et B\Rightarrow A), la ramification I contiendra autant d’éléments que d’arguments articulés dans la justification (par exemple deux éléments pour B et A\Rightarrow B) .

  • reconnaître l’argument de l’adversaire et abandonner la controverse = Jouer le daïmon (+,\dagger).

Afin d’étudier les stratagèmes plus complexes, qui utilisent par exemple des éléments de contexte, nous représenterons les interventions par des desseins ou des réseaux, utilisant ainsi la décomposition des interventions que avons proposée dans la section 1.2.2.

2 Les stratagèmes : variations sur les stratégies gagnantes

Dans l’idéal, la meilleure façon d’être assuré de gagner une controverse, c’est de posséder une stratégie gagnante contre n’importe quel adversaire, c’est à dire en Ludique : une preuve. C’est ce que Schopenhauer rappelle en introduction : “l’art d’avoir raison sera d’autant plus facile que l’on a raison quant à l’objet du débat” et indique à nouveau, indirectement, dans l’ultime stratagème : les deux adversaires collaborent pour l’élaboration d’une meilleure défense d’une thèse (une stratégie), soit ultimement une recherche commune de la vérité \dots Néanmoins, et Schopenhauer ne manque pas de le souligner, la plupart des controverses ne se déroulent pas ainsi et d’ailleurs on ne retrouve dans aucun stratagème le simple conseil de dérouler un raisonnement imparable (une preuve). Toutefois cet idéal impose la forme des règles de l’interaction et tout l’art des stratagèmes sera de se rapprocher, plus ou moins impudemment de cette forme.

Nous illustrons dans cette partie notre analyse des stratagèmes comme des recherches de stratégies gagnantes, c’est à dire comme le déploiement de desseins gagnants.
On peut déployer un dessein gagnant pendant que l’interaction se déroule (dessein construit au fur et à mesure que le dialogue avance) à condition de respecter certains principes stratégiques ; l’analyse ludique des stratagèmes relevant de cette première espèce, que nous avons regroupés dans une catégorie “dominer “l’interaction”, nous permet de repérer plus finement ces dits principes.
On peut déployer un dessein gagnant qui a été élaboré par anticipation ; la notion ludique de dessein ou stratégie est alors tout à fait pertinente pour rendre compte des stratagèmes ainsi construits.
On peut déployer un dessein gagnant parce qu’on affaiblit son adversaire ; à nouveau l’analyse ludique des stratagèmes qui relèvent de cette dernière catégorie permet de repérer précisément ou et comment cela peut se passer.

2.1 Dominer l’interaction

L’élaboration des stratagèmes est sous-tendue par le but suivant : déployer, lors de l’interaction, un dessein gagnant contre celui de l’adversaire. Atteindre cet objectif dépend en premier lieu d’une bonne connaissance et une bonne maitrise du jeu de l’interaction.

- La façon la plus simple de “dominer l’interaction” est de réussir à exhiber un dessein gagnant contre celui de l’adversaire. Ce que nous allons illustrer par l’analyse du stratagème 26.

- “Dominer l’interaction” peut également signifier se mettre en position d’influencer le choix des branches sur lesquelles la controverse va se dérouler, ce que nous illustrerons en analysant le stratagème 1.

- Afin de “dominer l’interaction” (ou au moins d’éviter de perdre la controverse) il peut être utile de comprendre le dessein selon lequel l’adversaire joue afin de modifier le déroulement de l’interaction, c’est par exemple le contenu du stratagème 18.

2.1.1 Jouer un contre-dessein gagnant : étude du stratagème 26

Ce stratagème est la retorsio argumenti : l’argument que l’opposant veut utiliser en sa faveur peut-être légitimement retourné contre lui. Ce stratagème est illustré par l’exemple suivant : “C’est un enfant, il faut user d’indulgence avec lui”, retorsio “Justement parce que c’est un enfant, il faut le châtier, afin qu’il ne s’endurcisse pas dans les mauvaises habitudes”.

Ce que nous analysons de la façon suivante :

- O justifie sa thèse (implicite “vous auriez tort de punir cet enfant”), localisée en \xi par deux prémisses : “c’est un enfant”, localisée en \xi.1 et “il faut être indulgent avec les enfants”, localisée en \xi.2. C’est à dire O joue (+,\xi,\{1,2\}).

-P enregistre cette intervention et il contredit la deuxième prémisse (“il ne faut pas être indulgent avec les enfants” = “il faut châtier les enfants”, ainsi il ancre son intervention en \xi.2 ; il la justifie par “sinon, il s’endurcit dans les mauvaises habitudes”. P joue donc (\xi.2,\{0\}).


\displaylines{
\displaylines{
\vphantom{\xi\\{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\}
\xi.1\vdash\hspace{1em}\xi.2\vdash\\
{\tiny \overline{\hspace{5em}}}\\
\vdash\xi}
\hspace{1em}
\displaylines{\xi.2.0\vdash\xi.1\\
{\tiny \overline{\hspace{4em}}}\\
\vdash\xi.1,\xi.2\\
{\tiny \overline{\hspace{4em}}}\\
\xi\vdash}\\
\qquad{\tiny \overline{\hspace{7em}}}\qquad\\
O\hspace{5em}P}

- Si O manifestait alors qu’il acceptait cet argument (en jouant le daï mon au dessus de \xi.2.0), le dessein de P serait en effet gagnant : l’interaction entre les deux desseins suivants converge.


\displaylines{
\displaylines{
\displaylines{
\vphantom{
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\
\xi\\
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
}
\xi.1\vdash
}
\hspace{1em}
\displaylines{
{\tiny \overline{\hspace{3em}}}_\dagger\\
\vdash\xi.2.0\\
{\tiny \overline{\hspace{3em}}}\\
\xi.2\vdash}\\
{\tiny \overline{\hspace{7em}}}\\
\vdash\xi}
\hspace{1em}
\displaylines{
\vphantom{
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\}
\xi.2.0\vdash\xi.1\\
{\tiny \overline{\hspace{4em}}}\\
\vdash\xi.1,\xi.2\\
{\tiny \overline{\hspace{4em}}}\\
\xi\vdash}\\
\hspace{3em}{\tiny \overline{\hspace{8em}}}\qquad\\
\hspace{1em} O\hspace{5em}P}

REMARQUE : La force de l’attitude de P vient peut-être du fait qu’il respecte scrupuleusement les règles de l’interaction : il joue vraiment selon le dessein proposé par l’adversaire (il souligne qu’il enregistre qu’un lieu \xi.2 a été créé) et c’est bien contre exactement ce dessein-là qu’il joue.

2.1.2 Le choix des branches d’interaction : étude du premier stratagème

Le premier stratagème est appelé l’extension : Il s’agit d’étendre, pour contrer plus facilement la thèse avancée par l’adversaire, le domaine d’application de cette thèse.
Ce qui est illustré par l’exemple suivant :
Le proposant P a affirmé : “les anglais sont supérieurs à tout autre nation en art dramatique”, son adversaire O rétorque :“les anglais sont nuls en musique, donc nuls en opéra”.
- Le proposant a joué (+,\xi,\{ 1\}) pour affirmer une thèse :-les anglais sont supérieurs en art dramatique ;
- L’opposant enregistre le coup (-,\xi,\{1\}) et il contre la thèse : cette thèse n’est pas vraie dans le cas de l’opéra : -les anglais sont nuls en opéra : il joue alors (+,\xi.1,\{3\}) .
- Le proposant peut accepter ce contre-argument et jouer \dagger :


\displaylines{
\displaylines{ 
\displaylines{ {\tiny \overline{\hspace{4em}}}_\dagger\\
\quad\vdash\xi.1.3 \quad}\\
{\tiny \overline{\hspace{4em}}}\\
\xi.1\vdash\\
\quad{\tiny \overline{\hspace{3em}}}\quad\\
\vdash\xi}
\hspace{2em}
\displaylines{
\vphantom{{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\}
\xi.1.3\vdash\\
{\tiny \overline{\hspace{3em}}}\\
\vdash\xi.1\\
{\tiny \overline{\hspace{3em}}}\\
\xi\vdash}\\
\qquad{\tiny \overline{\hspace{7em}}}\qquad\\
P\hspace{5em}O}

- Le proposant peut aussi s’en sortir en précisant son dessein, c’est à dire en précisant que par “art dramatique” il entend seulement comédie et tragédie. S’il s’agit de poursuivre sur des instanciations de l’art dramatique \xi.1.1 et \xi.1.2 sont les seuls lieux sur lequel P accepte de poursuivre la controverse : son dessein support de l’interaction possède uniquement les actions (-,\xi.1,\{1\}) et (-,\xi.1,\{2\}).
L’interaction entre le dessein joué par O et celui revélé alors par P comme étant le support d’interaction qu’il accepte de considérer, diverge :


\displaylines{
\displaylines{\displaylines{\vdash\xi.1.1}\hspace{2em}
\displaylines{\vdash\xi.1.2}\\
{\tiny \overline{\hspace{8em}}}\\
\xi.1\vdash\\
\quad{\tiny \overline{\hspace{6em}}}\quad\\
\vdash\xi}
\hspace{2em}
\displaylines{\xi.1.3\vdash\\
{\tiny \overline{\hspace{3em}}}\\
\vdash\xi.1\\
{\tiny \overline{\hspace{3em}}}\\
\xi\vdash}\\
\qquad\qquad{\tiny \overline{\hspace{8em}}}\quad\\
P\hspace{7em}O}

REMARQUE : Profitons de cet exemple de dialogue pour illustrer comme nous envisageons d’utiliser les multi-indices pour une formalisation des reprises dans le dialogue. Lorsque P précise le dessein selon lequel il accepte l’interaction, il suggère en fait à O la possibilité d’avancer une nouvelle intervention. Non seulement il précise son dessein en dévoilant les actions négatives qui suivent son action positive (+,\xi,\{1\}), mais il précise également que le lieu sur lequel il ancre son affirmation est une multi-adresse (\xi.\overline{i}_1 plutôt que \xi) et il rejoue alors une nouvelle fois son affirmation pour permettre à O d’autres interventions.


\begin{array}{c|cc}
\text{Dessein de }P&nbsp;: & \text{Dessein de }O&nbsp;:   & \text{Dialogue}&nbsp;:\\
& & \\
(+,\xi.\overline{i}_1,\{1\}) & c_1=(-,\xi.\overline{i}_1,\{1\}) & \text{les anglais sont supérieurs}\dots\\
& (+,\xi.\overline{i}_1.1,\{3\}) & \text{ils sont nuls en opéra}\dots\\
(-,\xi.\overline{i}_1.1,\{\{1\},\{2\}\}) &  &  \text{par art dramatique j’entends seulement}\dots\\
(+,\xi.\overline{i}_2,\{1\}) & c_2=(-,\xi.\overline{i}_2,\{1\}) &  \\
& \dagger & \text{Dans ce cas là, je m’incline}\\  
 \end{array}

2.1.3 Eviter une interaction désavantageuse

Une bonne connaissance du jeu de l’interaction peut nous permettre de reconnaître que l’adversaire joue selon un dessein gagnant. C’est exactement ce qui est sous-entendu dans le stratagème 18 :
Quand nous nous apercevons que notre adversaire s’est muni d’une argumentation capable de nous contraindre à déposer les armes, il ne faut pas que nous permettions à la controverse de prendre une pareille tournure, ni à lui d’aller jusque là, mais que nous rompions les chiens au moment voulu, en nous dérobant ou en détournant le débat vers d’autres propositions ; bref il faut provoquer une mutatio controversae.

Supposons que le dialogue a eu lieu jusqu’à présent selon les desseins suivants :
- dessein de O : (+,\xi,\{ 0\})(-,\xi.0.1)(+,\xi.0.1,\{0\}) ;
- dessein de P : (-,\xi,\{ 0\})(+,\xi.0.1) ;
et que P s’ aperçoive, au moment où O joue (+,\xi.0.1,\{0\}), que celui-ci possède une stratégie gagnante. Par exemple :

 
\displaylines{\displaylines{\xi.0.1.0.1.4\vdash\\
{\tiny \overline{\hspace{5em}}}\\
\vdash \xi.0.1.0.1}\hspace{1em}
\displaylines{\xi.0.1.0.2.0\vdash\hspace{1em}\xi.0.1.0.2.1\vdash\\ 
{\tiny \overline{\hspace{12em}}}\\
\vdash\xi.0.1.0.2}\\
{\tiny \overline{\hspace{18em}}}\\
 \xi.0.1.0\vdash\\
 \qquad\qquad{\tiny \overline{\hspace{9em}}}{(\xi.0.1,\{0\})}\qquad\\
 \vdash\xi.0.1\\
 \qquad\qquad{\tiny \overline{\hspace{11em}}}\qquad\qquad\\
 \xi.0\vdash\\
 \qquad\qquad{\tiny \overline{\hspace{11em}}}\qquad\qquad\\
 \vdash\xi}

Cette stratègie de O est gagnante dans la mesure où : c’est au tour de P de jouer ; P incité à jouer (+,\xi.0.1.0,\{1,2\}) possède uniquement les chroniques suivantes :


(-,\xi,\{0\})(+,\xi.0,\{1\})(-,\xi.0.1,\{0\})(+,\xi.0.1.0,\{1,2\})(-,\xi.0.1.0.1,\{4\})\dagger\\
\text{et}\\
(-,\xi,\{0\})(+,\xi.0,\{1\})(-,\xi.0.1,\{0\})(+,\xi.0.1.0,\{1,2\})(-,\xi.0.1.0.2,\{0,1\})\dagger.

P peut alors tenter d’éviter une déconfiture totale en ne permettant pas à l’interaction de se poursuivre selon ce dessein gagnant de l’adversaire. P peut esquiver cette intervention :
- en la faisant diverger (P se “dérobe”) c’est à dire que P ne poursuit pas une chronique, P interrompt la chronique : il ne joue que (-,\xi,\{0\})(+,\xi.0,\{1\}) et n’enregistre pas l’intervention (+,\xi.0.1,\{0\}) de O ; l’interaction alors diverge. Ainsi, P ne permet pas au dessein de O de se déployer.
- en ne jouant pas selon les attentes de l’adversaire ; P “détourne” le débat en rejouant son action positive (et alors en changeant le lieu \xi.0 en une multi-adresse \xi.\overline 0) vers un autre lieu par exemple P joue (+,\xi.\overline{0}_2.,\{3\}).

2.2 Anticiper des stratégies gagnantes

Plutôt que d’exhiber un dessein gagnant en réagissant aux interventions de l’adversaire, il semble bien entendu plus sûr de jouer un dessein gagnant en ayant anticipé plusieurs “coups” (échanges) à l’avance. Ainsi, pour rendre compte de l’utilisation de stratégies (construites à l’avance), les interventions ne seront plus uniquement des simples actions mais pourront être le déploiement d’un dessein déjà élaboré, voire d’un réseau.

Pour construire de telles stratégies, un grand nombre de stratagèmes utilisent abondamment des éléments annexes à l’échange en cours : des échanges antérieurs ou des positions connues de l’interlocuteur. Nous considérons alors que chaque locuteur dispose d’un stock de desseins représentant ces éléments annexes et pourra les faire interagir pour construire ses interventions dans le dialogue en cours.

2.2.1 Etude du stratagème 4

Si l’on veut aboutir à une conclusion, qu’on ne laisse pas prévoir celle-ci, mais que l’on obtienne sans en avoir l’air l’approbation de ses prémisses, en les dispersant dans le cours de la conversation, sans quoi, l’adversaire se jettera dans de nombreuses arguties ; ou s’il est douteux que l’adversaire les concède, que l’on pose les prémisses de ces prémisses, que l’on édifie des pro-syllogismes ; que l’on s’arrange pour faire approuver les prémisses de plusieurs pro-syllogismes de ce genre mais sans ordre, et confusèment, que l’on cache par conséquent son jeu, jusqu’à ce qu’on ait fait approuver tout ce qu’on désire. [\dots]
On résume et simplifie ce stratagème de la façon suivante : Il s’agit de faire admettre les prémisses d’une implication, de façon cachée dans la conversation, puis une fois qu’on sait que l’interlocuteur reconnaît toutes les prémisses, jouer alors l’implication.

- Les éléments annexes (“extérieur au dialogue en cours”) :

Au cours de la conversation le proposant a joué gagnant différentes propositions : A localisées en \alpha et B localisée en \beta, (les propositions A et B vont être les prémisses de sa thèse).

Les interactions suivantes ont eu lieu :


\displaylines{
\displaylines{
\vphantom{{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\}
\alpha.0\vdash\\
{\tiny \overline{\hspace{2em}}}\\
\vdash\alpha}\hspace{1em}
\displaylines{{\tiny \overline{\hspace{2em}}}_\dagger\\
\vdash\alpha.0\\
{\tiny \overline{\hspace{2em}}}\\
\alpha\vdash}\\
\quad{\tiny \overline{\hspace{4em}}}\quad\\
P\hspace{4em} O}
\hspace{2em}
\displaylines{
\displaylines{
\vphantom{{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\}
\beta.0\vdash\\
{\tiny \overline{\hspace{2em}}}\\
\vdash\beta}\hspace{1em}
\displaylines{{\tiny \overline{\hspace{2em}}}_\dagger\\
\vdash\beta.0\\
{\tiny \overline{\hspace{2em}}}\\
\beta\vdash}\\
\quad{\tiny \overline{\hspace{4em}}}\quad\\
P\hspace{4em} O}

On note {\cal D}_\alpha et {\cal D}_\beta de bases respectives \vdash\alpha et \vdash\beta
les desseins gagnants de P.

- L’intervention de P “révélant le stratagème” est un dessein :

P joue sa thèse localisée en \xi : C est la conséquence de A et de B que vous avez admis.

C’est à dire que cette intervention de P correspond au dessein suivant de première action : (+,\xi,\{1,2,3,\})\xi.1 est le lieu de A, \xi.2 celui de B
et \xi.3 le lieu de l’implication A et B entraînent C.


\displaylines {
\displaylines {{\cal D}_1\\
\vdots\\
\xi.1\vdash}
\hspace{1em}
\displaylines {{\cal D}_2\\
\vdots\\
\xi.2\vdash}
\hspace{1em}\displaylines {
\vphantom{{\cal D}_2\\
\vdots\\}
\xi.3\vdash}\\
{\tiny \overline{\hspace{9em}}}\\
\vdash\xi}

- Construction des sous-desseins de P :

Pour construire son intervention, P utilise les desseins suivants :

- le dessein {\cal D}_1 est construit à partir du dessein gagnant {\cal D}_\alpha par :
- déplacement (la proposition A affirmée en tant que telle en \alpha ou affirmée dans la cadre de la défense de C en \xi10)
- décalage (la proposition A affirmée en \xi10 est utilisée comme argument en \xi1)
Ainsi \quad\quad{\cal D}_1=\downarrow<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href='#nb2-22' class='spip_note' rel='appendix' title='\cal D_\alpha,\mathfrak Fax_\alpha,\xi.1.0' id='nh2-22'>22</a>]</span> est de base \xi.1\vdash ;
De même {\cal D}_2=\downarrow<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href='#nb2-23' class='spip_note' rel='appendix' title='\cal D_\beta,\mathfrak Fax_\beta,\xi.2.0' id='nh2-23'>23</a>]</span> de base \xi.2\vdash.

- P est en bonne position pour gagner la controverse.
La réaction de O est largement contrainte :

C’est à dire


\displaylines {
\displaylines {
\vphantom{\xi\\
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
\xi\\
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
}
\displaylines {\xi.1.0.0\vdash\\
{\tiny \overline{\hspace{3.5em}}}\\
\vdash\xi.1.0\\
{\tiny \overline{\hspace{3.5em}}}\\
\xi.1\vdash}
\hspace{0.5em}
\displaylines {\xi.2.0.0\vdash\\
{\tiny \overline{\hspace{3.5em}}}\\
\vdash\xi.2.0\\
{\tiny \overline{\hspace{3.5em}}}\\
\xi.2\vdash}\hspace{1.5em}
\displaylines {
\vphantom{
\xi\\{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
\xi\\{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
}
\xi.3\vdash
}\\
{\tiny \overline{\hspace{11.5em}}}\\
\vdash\xi}\hspace{0.5em}
\displaylines {
\vdash\xi.1.0.0,\xi.2.0.0,\xi.3\\
{\tiny \overline{\hspace{8.5em}}}\\
\xi.2.0\vdash\xi.1.0.0,\xi.3\\
{\tiny \overline{\hspace{8.5em}}}\\
\vdash \xi.1.0.0,\xi.2,\xi.3, \\
{\tiny \overline{\hspace{8.5em}}}\\
\xi.1.0\vdash\xi.2,\xi.3\\
{\tiny \overline{\hspace{8.5em}}}\\
\vdash \xi.1,\xi.2,\xi.3\\
{\tiny \overline{\hspace{8.5em}}}\\
\xi\vdash}\\
\qquad\qquad\qquad{\tiny \overline{\hspace{12em}}}\qquad\qquad\\
P\hspace{9em}O}


C’est à dire que O doit enregistrer le déploiement de tout un dessein, c’est à dire jouer les deux chroniques suivantes (sinon l’interaction divergerait) :
(-,\xi,\{1,2,3\},(+,\xi.1,\{0\})(-,\xi.1.0,\{0\}) et (-,\xi,\{1,2,3\})(+,\xi.2,\{0\}(-,\xi.2.0,\{0\}) .
Ce faisant , O est amené à reconnaître que le sous-dessein {\cal D}_1 est le décalage d’une délocalisation de {\cal D}_\alpha (et {\cal D}_2 de {\cal D}_\beta), contre lequel O sait qu’il ne peut jouer que le daï mon.

La seule ouverture alors pour O est de jouer une action ancrée sur \xi.3 (puisque sur \xi.1 ou \xi.2 il ne peut rien jouer d’aure que le daïmon.) ; s’il n’a rien à opposer à l’implication (les prémisses A et B entraînent la thèse C) alors O ne peut qu’accepter cette thèse de P, en jouant le daïmon.


\displaylines{
\displaylines{
\vphantom{
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\
\xi\\
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
\xi\\
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
}
\displaylines{\xi.1.0.0\vdash\\
{\tiny \overline{\hspace{3em}}}\\
\vdash\xi.1.0\\
{\tiny \overline{\hspace{3em}}}\\
\xi.1\vdash}
\hspace{0.5em}
\displaylines{\xi.2.0.0\vdash\\
{\tiny \overline{\hspace{3.5em}}}\\
\vdash\xi.2.0\\
{\tiny \overline{\hspace{3.5em}}}\\
\xi.2\vdash}\hspace{1.5em}
\displaylines{
\vphantom{
\xi\\{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
\xi\\{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
}
\xi.3\vdash
}\\
{\tiny \overline{\hspace{11em}}}\\
\vdash\xi}\hspace{0.5em}
\displaylines{{\tiny \overline{\hspace{8.2em}}}_\dagger\\
\vdash\xi.1.0.0, \xi.2.0.0,\xi.3\\
{\tiny \overline{\hspace{8.2em}}}\\
\xi.2.0\vdash\xi.1.0.0,\xi.3\\
{\tiny \overline{\hspace{8.2em}}}\\
\vdash \xi.1.0.0,\xi.2,\xi.3, \\
{\tiny \overline{\hspace{8.2em}}}\\
\xi.1.0\vdash\xi.2,\xi.3\\
{\tiny \overline{\hspace{8.2em}}}\\
\vdash \xi.1,\xi.2,\xi.3\\
{\tiny \overline{\hspace{8.2em}}}\\
 \xi\vdash}\\
\qquad\qquad\qquad{\tiny \overline{\hspace{11.5em}}}\qquad\qquad}

2.2.2 Autre exemple : le stratagème 3

Le stratagème 3 consiste à prendre une affirmation posée relativement de la même manière que si elle l’était généralement, ou du moins la concevoir dans un contexte tout différent et la réfuter en ce sens. Ce stratagème est illustré par l’exemple suivant :
Au cours d’une controverse, le proposant, d’une part a loué les quiétistes, et d’autre part critique Hegel ; il justifie cette critique par le fait que Hegel dit des inepties. L’opposant veut exhiber une contradiction du proposant qui loue les quiétistes, qui pourtant disent des inepties.

- P pose une thèse “Je critique Hegel” justifiée par “je critique ceux qui disent des inepties” et “Hegel dit des inepties” ce qui peut être représenté par l’action (+, \xi,\{ 1 , 2\}) ;

- O se place au niveau de l’affirmation “je critique ceux qui disent des inepties” qui est localisée en \xi1, et la conteste en jouant l’action (+, \xi.1,\{ 0, 1\} avec  \xi10 lieu de “vous ne critiquez pas les quiétistes” et \xi11 lieu de “les quiétistes disent des inepties”.

- P, placé devant une contradiction (ad hominem), devrait alors abandonner.

Comme dans l’exemple précédent, le stratagème consiste à faire une intervention qui est déjà un dessein ; après avoir enregistré l’affirmation de P, O joue l’intervention suivante (au dessus de \xi.1) :

     
\displaylines{
\displaylines{
\vphantom{
{\bf {\cal D}}\\
\vdots\\
\xi\\
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
}
\xi.1\vdash\hspace{0.5em} \xi.2\vdash\\
{\tiny \overline{\hspace{5em}}}\\
\vdash \xi}
\hspace{2em}       
\displaylines{\displaylines{
{\bf {\cal D}}\\
\vdots\\
{{ \xi.1.0}}\vdash}
\hspace{3em} \displaylines{
\vphantom{\cal D\\
\vdots\\}
{{\xi.1.1}}\vdash }\\
{\tiny \overline{\hspace{8.5em}}}\\
\vdash{{ \xi.1}},\xi.2 \\
\qquad{\tiny \overline{\hspace{5em}}}\qquad\\
\xi\vdash}\\
\qquad{\tiny \overline{\hspace{10.7em}}}\qquad\qquad\\
P\qquad\qquad\qquad\quad O}

{\cal D} est construit par :
- Déplacement d’un dessein de O exprimant vous louez les quiétistes, dessein basé en \scriptsize{\vdash\sigma} (et gagnant) en un dessein de base \scriptsize{\vdash\xi.1.0.0} exprimant vous ne critiquez pas les quiétistes. Ce déplacement est réalisé par l’utilisation du {\mathfrak F}ax de base \scriptsize{\sigma\vdash\xi.1.0.0}.
- Décalage de cette affirmation basée en \scriptsize{\vdash\xi.1.0.0} pour en faire un argument basé en \scriptsize{\xi.1.0\vdash} de vous n’êtes pas cohérent lorsque vous dites que vous critiquez ceux qui disent des inepties basé en \scriptsize{\vdash\xi.1}.
Après avoir enregistré cette intervention et reconnu que le dessein au dessus de \xi.1.0 est construit à partir de sa propre intervention passée, s’il choisit d’ancrer sa réponse sur les sous-lieux de \xi.1.0, P ne peut jouer que le daïmon. Sa seule ouverture est donc \xi.1.1 ; mais si P admet que les quiétistes disent des inepties, il ne peut jouer que le daîmon.
REMARQUE : P pourrait toutefois disqualifier (ne pas accepter de converger avec) le dessein de O en lui opposant que l’utilisation du {\mathfrak F}ax_{\sigma,\xi100} est abusive (parce que vous louez et vous ne critiquez pas n’ont pas le même contenu. En effet, P peut préciser qu’il loue les quiétistes pour leurs actions et pas pour leurs écrits.).

2.3 Rendre difficile la maîtrise de l’interaction par l’adversaire

Nous venons de voir que certains stratagèmes reposent sur l’avantage que donne une bonne maîtrise de l’interaction. Maîtrise réalisée par le contrôle de l’organisation de nos interventions dans le dialogue et que l’on peut résumer par le fait de jouer un dessein gagnant. De façon symétrique, on peut favoriser sa position dans la controverse en rendant difficile la position de l’adversaire, c’est à dire en contraignant le choix de ses interventions et leur organisation. Ceci peut être réalisé directement en le privant de possibilités d’intervention (on n’offre pas d’ouverture) ou bien en intervenant selon une organisation difficile à appréhender (on offre trop d’ouvertures) [24] .

2.3.1 Priver l’adversaire de lieux à partir lesquels poursuivre la controverse

Le stratagème 6 consiste à commettre une pétition de principes. Il est formulé de la façon suivante : on commet une pétition de principes occulte en postulant ce que l’on devait prouver, soit
1) sous un autre nom, par exemple en remplaçant “honneur” par “bonne réputation”, “virginité” par “vertu”, etc \dots ou aussi en utilisant des synonymes, par exemple “animaux à sang chaud” au lieu de “vertébrés” ;
2) ou qu’on fasse reconnaitre comme une vérité générale ce qui est contestable dans un cas particulier, par exemple en affirmant l’incertitude de tout savoir humain ;
3) Si vice versa, deux propositions s’enchainent et qu’il faut en démontrer l’une ; on postule l’autre ;
4) quand il faut démontrer une vérité générale et qu’on se fait accorder toutes les vérités particulières (l’inverse du cas 2). (Aristote, Topiques, VIII, chap. II)

Nous faisons l’hypothèse que nous pouvons rendre compte des pétitions de principes comme étant des interventions qui sont des blocs fermés à l’interaction : on prive son interlocuteur d’ouvertures (de lieux sur lesquels il lui serait possible de poursuivre l’interaction) :

  • soit parce que ces lieux sont repoussés à l’infini. Ce qui correspond au cas 1. La pétition de principes s’exprime par un raisonnement circulaire, ce qui est le cas lorsqu’on utilise un synonyme en prétendant qu’on explique ainsi un terme.

EXEMPLE : L’âme est immortelle parce qu’elle ne meurt jamais est une pétition de principes reposant sur le fait qu’on justifie une affirmation par une proposition synonyme.

On formalise cette intervention (l’affirmation “l’âme est immortelle parce que \dots) par tout un dessein et plus précisèment par le dessein suivant {\cal D}_\xi récursivement défini :


\displaylines{
\vphantom{\vdots\\ \xi\\ {\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
\xi\\ {\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
\xi\\ {\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
\xi\\ {\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
\xi\\ {\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
}
{\cal D}_{\xi}=
}
\displaylines{
\displaylines{
\vphantom{\vdots\\ \xi\\ {\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
\xi\\ {\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
\xi\\ {\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
}
{\cal D}_{\xi.1.1}=
}
\displaylines{
\displaylines{
\vphantom{\vdots\\ \xi\\ {\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\}
{\cal D}_{\xi.1.1.1.1}=
}
\displaylines{\vdots\\
\xi.1.1.1.1.1\vdash\\
{\tiny \overline{\hspace{5em}}}\\
\vdash\xi.1.1.1.1}\\
{\tiny \overline{\hspace{10em}}}\\
\xi.1.1.1\vdash\\
\qquad {\tiny \overline{\hspace{5em}}}\qquad \\
\vdash\xi.1.1}\\
\qquad{\tiny \overline{\hspace{10em}}}\qquad\\
\xi.1\vdash\\
\qquad\qquad{\tiny \overline{\hspace{5em}}}\qquad\qquad\\
\vdash\xi}

L’affirmation l’âme est immortelle est localisée arbitrairement en \xi et est justifiée par un unique argument. Le dessein commence donc par une action positive (+,\xi,\{1\}). De plus, la forme de l’intervention indique que le locuteur est prêt à défendre sa prémisse : son intervention est décomposable : elle contient déjà un dessein basé en \xi.1\vdash qui est le décalage d’un dessein basé en \vdash\xi.1.1, lequel contient la défense de sa prémisse. Or ce dessein aurait quasiment le même contenu, c’est à dire : l’âme ne meurt jamais puisqu’elle est immortelle. Ainsi, nous représentons ce dessein {\cal D}_{\xi.1.1} comme étant le dessein \rho({\cal D}_\xi)\rho est la délocalisation qui envoie \xi sur \xi.1.1, autrement dit {\cal D}_{\xi.1.1}=<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href='#nb2-25' class='spip_note' rel='appendix' title='\cal D_\xi,\cal Fax_\xi,\xi.1.1' id='nh2-25'>25</a>]</span>. Et ainsi de suite \dots , il s’agit bien d’un dessein récursif : la même figure est réutilisée toutes les deux étapes, et le dessein résultant est infini.

  • soit parce que ces lieux sont escamotés.

- On postule une des prémisses : on la considère comme implicitement admise (c’est le troisième cas du stratagème).

Une telle intervention a l’allure suivante : Puisque A (qui justement demanderait à être établie) et que A entraîne B, vous conviendrez que B.


\displaylines {
\displaylines {{\tiny \overline{\hspace{4em}}}\scriptsize{(\xi.1.1,\emptyset)}\\
\qquad\vdash\xi.1.1\qquad\\
{\tiny \overline{\hspace{7em}}}\\
\xi.1\vdash} \hspace{1em}
\displaylines {
\vphantom{
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
\xi\\
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
}
\xi.2\vdash
}\\
{\tiny \overline{\hspace{10em}}}\\
\vdash\xi}

\xi est le lieu de l’affirmation de B, \xi.1 et \xi.2 les lieux de ses prémisses (respectivement A et A\Rightarrow B). \xi.1.1 est le lieu de l’affirmation de A qui apparaît ici comme une donnée ; qui n’a donc pas à être justifiée (l’action est (+,\xi.1.1,\emptyset)).

- Lorsque pour démontrer une vérité générale, on se fait accorder toutes les vérités particulières (cas 4) on utilise un dessein qui, en effet, matérialise explicitement la règle de quantification (sur un domaine dont les éléments sont localisés par les éléments de {\cal N}) mais où chaque cas particulier est avancé comme une donnée :


\displaylines{
\displaylines{{\tiny \overline{\hspace{6em}}}\scriptsize{(\xi.1.0,\emptyset)}\\
\qquad\vdash\xi.1.0\qquad\\
{\tiny \overline{\hspace{9em}}}\\
\xi.1\vdash}
\displaylines{
\vphantom{{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
\xi\\
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
}
\dots}
\hspace{1em}
\displaylines{{\tiny \overline{\hspace{4em}}}\scriptsize{(\xi.i.0,\emptyset)}\\
\qquad\vdash\xi.i.0\qquad\\
{\tiny \overline{\hspace{7em}}}\\
\xi.i\vdash}
\hspace{1em}
\displaylines{
\vphantom{{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
\xi\\
{\tiny \overline{\hspace{1em}}}\\
}
\dots}\\
{\tiny \overline{\hspace{19em}}}\scriptsize{(\xi,{\cal N})}\\
\vdash\xi}

- Faire reconnaitre comme une vérité générale ce qui est contestable dans un cas particulier \dots (cas 2). Le lieu associé à cet élément est escamoté. Si on localise en \xi.j ce cas particulier lorsque la vérité générale affirmée est localisée en \xi ; l’ensemble des ramifications apparaissant dans la règle négative est amputé de l’élement j.

L’affirmation de cette vérité générale est :


\displaylines{
\displaylines{
\xi.1\vdash}\dots\hspace{1em}
\displaylines{
\xi.i\vdash}
\hspace{1em}\dots\\
{\tiny \overline{\hspace{7em}}}\scriptsize{(\xi,{\cal N})}\\
\vdash\xi}
\hspace{2em} \text{et} \hspace{2em} j\notin{\cal N}

2.3.2 Noyer l’adversaire sous un grand nombre de lieux d’interaction

On peut également rendre difficile la maitrise de l’interaction par l’adversaire en compliquant la forme du dessein que l’on propose à l’interaction.
C’est ce qui est recommandé dans le stratagème 7 : Poser beaucoup de questions à la fois et à bâtons rompus, pour dissimuler ce qu’on souhaite en réalité faire reconnaître. Au contraire, exposer rapidement son argumentation fondée sur les concessions de l’autre ; car ceux qui sont lents à comprendre ne peuvent suivre exactement la discussion, et n’aperçoivent pas les fautes ou les lacunes possibles de la démonstration.
Nous proposons de rendre compte de cette “tactique” par le fait de jouer des actions dont les ramifications sont plétoriques et créent ainsi un grand nombre de lieux. De cette façon le nombre de branches du dessein support de l’interaction augmentent ; cela va permettre de surcroît de revenir ultérieurement sur des lieux créés plus tôt et d’ainsi bousculer l’ordre de l’échange d’arguments. La complexité d’un tel dessein contribue à brouiller la perception que l’adversaire en a. Il est alors d’autant plus facile de manipuler l’adversaire qu’il ne maîtrise pas bien les desseins selon lesquels l’interaction se déroule.

3 Importance de la forme

Nous avons jusque là souligné que les stratagèmes de Schopenhauer sont basés sur une bonne maîtrise des règles de l’interaction. Avoir rappelé ces règles et esquissé une formalisation ludique des controverses nous permet d’analyser plus finement la plupart des stratagèmes, plus ou moins impudents, au dire de Schopenhauer, et dont l’impudence justement, plutôt que d’être un simple non respect des règles logiques, peut être repérée comme un non respect des règles de l’interaction.
Nous postulons ici que la possible efficacité de certains stratagèmes, et en particulier des stratagèmes les plus spécieux, repose sur le fait qu’ils utilisent des “formes” semblables à celles des stratégies plus honnêtes.

3.1 Avoir le dernier mot

Gagner une controverse revient simplement à avoir le dernier mot. Certains stratagèmes consistent alors à déployer une controverse au terme de laquelle il semble que l’on a le dernier mot. Cette situation sera traduite formellement par le fait d’obliger l’adversaire à jouer le daïmon, sans pour autant qu’il accepte la thèse avancée. Considérons l’exemple du stratagème 15 :
Quand nous avons posé une proposition paradoxale que nous serions bien en peine de prouver, nous proposerons à notre adversaire une proposition quelconque, exacte, mais dont la vérité n’éclate pas de prime abord, afin qu’il l’admette ou qu’il la rejette ; s’il la rejette, nous le réduirons ad absurdum et triompherons ; mais s’il l’admet, nous aurons dit, en attendant mieux, quelque chose de rationnel, et nous pourrons alors voir venir.
P a avancé (en \xi) une thèse qu’il ne sait comment défendre et que O n’accepte pas ; P propose (en \sigma) une proposition exacte sur la même interaction (sur une même base \vdash\xi,\sigma). L’échange, du point de vue de P est la dispute suivante :
(+,\xi,\{1\})(-,\xi.1,\{0\})(+,\sigma,\{0\}).

  • soit O accepte cette seconde proposition (l’échange est représenté par le réseau suivant) :


\displaylines{
\displaylines{
\vphantom{\xi\\ {\tiny\overline{\hspace{1em}}}\\
\xi\\}
O\\
{\tiny\overline{\hspace{2em}}}_\dagger\\
\vdash\sigma.0\\
{\tiny\overline{\hspace{2em}}}\\
\sigma\vdash}
\hspace{1em}
\displaylines{P\\
\sigma.0\vdash\xi.1.0\\
{\tiny\overline{\hspace{4em}}}\\
\vdash\xi.1.0,\sigma\\
{\tiny\overline{\hspace{4em}}}\\
\xi.1\vdash\sigma\\
{\tiny\overline{\hspace{4em}}}\\
\vdash\xi,\sigma}
\hspace{1em}
\displaylines{
\vphantom{\xi\\ {\tiny\overline{\hspace{1em}}}\\}
O\\
\xi.1.0\vdash\\
{\tiny\overline{\hspace{2.5em}}}\\
\vdash\xi.1\\
{\tiny\overline{\hspace{2.5em}}}\\
\xi\vdash}\\
{\tiny\overline{\hspace{5em}}}\quad{\tiny\overline{\hspace{5em}}}}

  • soit O réfute cette proposition et P a beau jeu de la démontrer. Dans ce cas l’échange, du point de vue de O est le suivant :
    (-,\xi,\{1\})(+,\xi.1,\{0\})(-,\sigma,\{0\})(+,\sigma.0,\{1\})(-,\sigma.0.1,\{1,2\})\dagger.
    Et sous forme de réseau :


\displaylines{
\displaylines{
\vphantom{\xi\\ {\tiny\overline{\hspace{1em}}}\\ \xi \\}
O\\
{\tiny\overline{\hspace{6em}}}_\dagger\\
\vdash\sigma.0.1.1,\sigma.0.1.2\\
{\tiny\overline{\hspace{6.5em}}}\\
\sigma.0.1\vdash\\
{\tiny\overline{\hspace{6.5em}}}\\
\vdash\sigma.0\\
{\tiny\overline{\hspace{6.5em}}}\\
\sigma\vdash}
\hspace{1em}
\displaylines{P\\
\sigma.0.1.1\vdash\xi.0.1\hspace{1em}\sigma.0.1.2\vdash\xi.0.1\\
{\tiny\overline{\hspace{11.5em}}}\\
\vdash\sigma.0.1,\xi.1.0.\\
{\tiny\overline{\hspace{11.5em}}}\\
\sigma.0\vdash\xi.1.0\\
{\tiny\overline{\hspace{11.5em}}}\\
\vdash\xi.1.0,\sigma\\
{\tiny\overline{\hspace{11.5em}}}\\
\xi.1\vdash\sigma\\
{\tiny\overline{\hspace{11.5em}}}\\
\vdash\xi,\sigma}
\hspace{1em}
\displaylines{
\vphantom{\xi\\ {\tiny\overline{\hspace{1em}}}\\
\xi\\ {\tiny\overline{\hspace{1em}}}\\
\xi\\ {\tiny\overline{\hspace{1em}}}\\}
O\\
\xi.0.1\vdash\\
{\tiny\overline{\hspace{2.5em}}}\\
\vdash\xi.1\\
{\tiny\overline{\hspace{2.5em}}}\\
\xi\vdash}\\
\quad\quad\quad{\tiny\overline{\hspace{9em}}}\quad\quad{\tiny\overline{\hspace{9em}}}\quad}

Dans les deux cas, l’interaction se réduit (en quelques pas) en :


\displaylines{
\displaylines{{\tiny\overline{\hspace{2.5em}}}_\dagger\\
\vdash\xi.1.0}\hspace{1em}
\displaylines{
\vphantom{{\tiny\overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\}
\xi.0.1\vdash}\\
{\tiny\overline{\hspace{7em}}}} \hspace{1em}
\displaylines{
\vphantom{{\tiny\overline{\hspace{1em}}}_\dagger\\
{\tiny\overline{\hspace{1em}}}\\}
\text{et finalement en}
}\displaylines{
\vphantom{{\tiny\overline{\hspace{1em}}}\\}
{\tiny\overline{\hspace{4em}}}_\dagger\\
\qquad\vdash\qquad}

Dans chacune de ces alternatives, il peut sembler que P a gagné la controverse : dans les deux cas l’interaction converge et c’est O qui a joué le daïmon. La tricherie ici consiste à changer la base du dessein (\vdash\xi,\sigma) de manière intempestive, alors que l’interaction avait commencé sur la base \vdash\xi.

3.2 Utiliser des matrices de stratégies gagnantes

Parmi les stratagèmes impudents certains utilisent la même construction que celle étudiée en section 2.2.1 qui fabrique des stratégies gagnantes, en utilisant des éléments annexes. Toutefois ces stratagèmes sont spécieux car ils ne respectent pas le jeu de l’interaction.

EXEMPLE : Le stratagème 14 est le suivant : Une astuce impudente consiste, quand il a répondu à plusieurs questions sans que ses réponses tournent au profit de la conclusion visée par nous, à prétendre que la déduction que l’on voulait imposer par cette controverse, bien qu’elle n’en résulte aucunement, n’en est pas moins démontrée et à la proclamer triomphalement\dots
De la même façon que dans les stratagèmes 4 et 3 étudiés en section 2.2.1, le stratagème ici utilise une intervention très élaborée : un dessein construit à l’aide de déplacements d’échanges antérieurs.
Ainsi, si on localise en \alpha et \beta les questions posées par le locuteur et que l’on représente par des desseins {\cal E}_\alpha, {\cal E}_\beta les supports (pour la partie locuteur) des échanges qui ont suivi, l’intervention (la proclamation que la thèse est démontrée) peut être représentée par un dessein comme ci-dessous :


 \displaylines{
\displaylines{\downarrow<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href='#nb2-26' class='spip_note' rel='appendix' title='\cal E_\alpha,\mathfrak Fax_\alpha,\sigma.1.0' id='nh2-26'>26</a>]</span>\\
           \sigma.1\vdash}
           \hspace{1em}
           \displaylines{\downarrow<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href='#nb2-27' class='spip_note' rel='appendix' title='\cal E_\beta,\mathfrak Fax_\beta,\sigma.2.0' id='nh2-27'>27</a>]</span>\\ 
           \sigma.2\vdash}\\
           {\tiny\overline{\hspace{14em}}}\\
           \vdash\sigma}

Sauf que les desseins {\cal E}_\alpha et {\cal E}_\beta n’étaient pas gagnants. La falsification consiste à faire comme si la normalisation avec le {\cal F}ax transformait ces desseins en desseins gagnants (s’appuyant pour ce faire sur la proximité avec une forme correcte et familière).

3.3 Utiliser la proximité des formes pour accuser

De façon symétrique, certains stratagèmes utilisent la proximité des formes pour mettre en doute les interventions de l’adversaire.
C’est le cas du stratagème 22 : - S’il exige que nous lui concédions quelque chose dont découle le problème débattu, nous le refusons, en faisant passer cette demande pour une pétition de principes ; car lui et les assistants considéreront facilement une proposition proche du problème comme identique à l’énoncé de ce problème ; et c’est ainsi que nous lui soustrayons son meilleur argument.
Nous interprétons “quelque chose dont découle le problème débattu” de la façon suivante : ce “quelque chose” est une proposition A ; le fait que A entraîne le problème débattu (sous forme d’une proposition B) va sans dire. Et nous repérons, cette fois encore la même construction que nous avons étudiée dans la section \refdeplacement :
- L’adversaire O nous soumet l’approbation d’une proposition (A) localisée en \alpha (il joue (+,\alpha,\{0\})).
- Si nous l’acceptons (en jouant (-,\alpha,\{0\})\dagger), le dessein {\cal D}_\alpha constitué de l’unique chronique (+,\alpha,\{0\}) est un dessein gagnant de O.
- et nous entrevoyons que O pourra alors jouer le dessein gagnant suivant à l’appui de sa thèse (B) localisée en \xi (où \xi.1 est le lieu de l’affirmation de A et \xi.Ž celui de l’affirmation A\Rightarrow B) :


  \displaylines{
  \displaylines{\downarrow<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href='#nb2-28' class='spip_note' rel='appendix' title='\cal D_\alpha,\mathfrak Fax_\alpha,\xi.1.1' id='nh2-28'>28</a>]</span>\\
              \xi.1\vdash}
               \hspace{1em}
        \displaylines{
\vphantom{[\\}
\xi.2\vdash}\\
           {\tiny\overline{\hspace{10em}}}\\
\vdash\xi}

Nous l’accusons alors de commettre une pétition de principes, c’est à dire de vouloir jouer le dessein récursif suivant :


\displaylines{
\vphantom{[\\ \xi\\ {\tiny\overline{\hspace{1em}}}\\}
{\cal D}_\xi=}  \displaylines{
  \displaylines{\downarrow<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href='#nb2-29' class='spip_note' rel='appendix' title='\cal D_\xi,\mathfrak Fax_\xi,\xi.1.1' id='nh2-29'>29</a>]</span>\\
              \xi.1\vdash}
               \hspace{1em} 
        \displaylines{
\vphantom{[\\}
\xi.2\vdash}\\
           {\tiny\overline{\hspace{10em}}}\\
\vdash\xi}

Et en effet les deux desseins : celui qu’on devine que l’adversaire veut jouer et celui contenant une pétition de principes sont formellement très proches (lorsqu’on explicite la dynamique de leur construction) :


  \displaylines{
  \displaylines{\downarrow<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href='#nb2-30' class='spip_note' rel='appendix' title='\cal D_\alpha,\mathfrak Fax_\alpha,\xi.1.1' id='nh2-30'>30</a>]</span>\\
              \xi.1\vdash}
               \hspace{1em}
        \displaylines{
\vphantom{[\\}
\xi.2\vdash}\\
           {\tiny\overline{\hspace{10em}}}\\
\vdash\xi}  \hspace{2em}
\displaylines{
\vphantom{[\\ \xi\\ {\tiny\overline{\hspace{1em}}}\\}
\text{et}}
\hspace{2em}
  \displaylines{
  \displaylines{\downarrow<span class="spip_note_ref">&nbsp;[<a href='#nb2-31' class='spip_note' rel='appendix' title='\cal D_\xi,\mathfrak Fax_\xi,\xi.1.1' id='nh2-31'>31</a>]</span>\\
              \xi.1\vdash}
               \hspace{1em}
        \displaylines{
\vphantom{[\\}
\xi.2\vdash}\\
           {\tiny\overline{\hspace{10em}}}\\
\vdash\xi}

Conclusion

Donnant libre cours à notre enthousiasme devant la puissance et l’originalité de cette nouvelle théorie de l’interaction que constitue la Ludique, nous avons déroulé dans ce texte, sous prétexte d’une lecture des stratagèmes de Schopenhauer, un certain nombre de pistes sur lesquelles poser les bases d’une formalisation des dialogues. Nous avons tenté de souligner en quoi une telle formalisation pourrait permettre une analyse fine de phénomènes souvent étudiés mais, à notre connaissance, non encore traités de façon satisfaisante tels les raisonnements fallacieux. Sans doute toutes ces pistes ne se révèleront pas d’une égale fécondité et un important travail reste à faire pour tester la robustesse et le bien fondé de ces propositions, puis pour les transformer en briques de base de formalisations dans les domaines comme la sémantique des langues naturelles ou la pragmatique. Nous espérons toutefois avoir convaincu le lecteur de la richesse de la Ludique comme nouveau point de vue pour l’étude des situations interactives, comme nouvelle perspective pour la transposition des outils logiques dans les domaines de la philosophie du langage ou de la pragmatique.


References

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[Basaldella-07] Basaldella-07 Basaldella, M. : The exponentials in Ludics : how and at what price ?, Séminaire à l’I.M.L. 2007, http://iml.univ-mrs.fr/ldp/seminaire/seminaire-2007-09-27/.

[Currien-01] currien-intro Currien, P.-L. (2001) Introduction à la Ludique, http://www.pps.jussieu.fr/ curien.

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[Girard-01] locus Girard, J.-Y. (2002) Locus Solum : from the rules of logic to the logic of rules, Mathematical Structures in Computer Science 11 (3), pp 301-506.

[Girard-03] ludique Girard, J.-Y. (2004) From foundation to Ludics, Ehrhard, T., Girard, J.-Y. and Scott, P. Linear Logic in Computer Science, London mathematical Society, Lectures Notes Series, Cambridge University Press.

[Lecomte-07] alain-prelude Lecomte, A. Vers une pragmatique théorique, Note d’intention à l’origine du projet “Prélude”, http://anr-prelude.fr/article16.html.

[Tronçon-08] samuel-articleLIGC Tronçon, S. Eléments pour une sémiotique cognitive, in “Ouvrir la logique au monde : philosophie et mathématiques de l’interaction”, J.-B. Joinet et S. Tronçon eds, Hermann, 2008 (à paraître).


[1Schopenhauer : “L’art d’avoir toujours raison” ed Circé poche.

[2ainsi que procède habituellement la sémantique en logique mathématique.

[3actuellement en cours et soutenu par l’A.N.R.

[4l’isomorphisme de Curry-Howard établit la parfaite correspondance entre preuves et programmes ; une correspondance non seulement au niveau des objets mais aussi au niveau de la dynamique sur ces objets : exécution des programmes/élimination des coupures pour les preuves

[5c’est une conséquence de la propriété de focalisation : lorsqu’on cherche à reconstituer une preuve en Logique Linéaire, on peut se contenter de connecteurs synthétiques.

[6le cas où la réunion disjointe des $\Delta_i$ est strictement contenue dans $\Delta$ (et similairement le cas où dans la règle négative, $\Delta_I$ est strictement contenu dans $\Delta$) correspond en logique à la règle d’affaiblissement.

[7ne contenant que des formules positives (construites avec les connecteurs binaires positifs de la logique linéaire et le décalage $\downarrow$ permettant d’imposer une polarité positive) et dont les règles sont une déclinaison des règles constitutives des dessins de la Ludique.

[8jouer le daîmon dans une stratégie permet de rendre compte du fait que l’échange se termine correctement. A ce stade de la formalisation, le choix de faire jouer le daîmon par Bob est arbitraire ; on aurait pu faire se correspondre “action positive” et “donner”, ajouter des décalages et faire jouer le daïmon par Alice.

[9Pour simplifier, on peut retenir qu’un réseau est un ensemble fini de desseins dont les bases sont reliées (deux à deux) par des coupures.

[10\cal R

[11\cal R

[12\cal S’

[13\cal R

[14\cal R_i

[15\cal R

[16\cal R_I

[17Dans ce cas il est trivial d’observer que l’ordre dans lequel on réduit les coupures n’importe pas. En fait ceci est toujours le cas, c’est le contenu du théorème de séparation démontré dans [Girard-01].

[18\cal Fax_\rho1,\xi1,\cal D_1

[19\cal Fax_\rho.i,\xi.i,\cal D_i

[20\cal Fax_\rho.n,\xi.n,\cal D_n

[21effectuer une règle de contraction.

[22\cal D_\alpha,\mathfrak Fax_\alpha,\xi.1.0

[23\cal D_\beta,\mathfrak Fax_\beta,\xi.2.0

[24Bien entendu cette dernière situation peut être également le résultat d’une manipulation psychologique ; le stratagème $8$ préconise de mettre l’adversaire en colère dans le but justement de brouiller sa maîtrise de l’interaction.

[25\cal D_\xi,\cal Fax_\xi,\xi.1.1

[26\cal E_\alpha,\mathfrak Fax_\alpha,\sigma.1.0

[27\cal E_\beta,\mathfrak Fax_\beta,\sigma.2.0

[28\cal D_\alpha,\mathfrak Fax_\alpha,\xi.1.1

[29\cal D_\xi,\mathfrak Fax_\xi,\xi.1.1

[30\cal D_\alpha,\mathfrak Fax_\alpha,\xi.1.1

[31\cal D_\xi,\mathfrak Fax_\xi,\xi.1.1