Introduction :
Cet article est la présentation résumée d’une thèse de Doctorat de Philosophie que nous avons soutenu en octobre 2014 à l’Université de Paris Ouest Nanterre la Défense et qui portait justement ce titre et ce sous-titre. Le but avoué de ce travail universitaire est de faire reconnaître la parole de ceux qui se désignent sous le nom collectif d’usagers en santé mentale en contribuant, par un travail théorique exigeant et rigoureux, à faire entendre la validité de leur propos.
De manière polémique, nous avons, dans le passé, tenu deux propos complémentaires : Le premier était de dire que : « Aussi vrai que la folie existe, “le-fou” n’existe pas ». L’autre de prétendre que :« Le jour où des personnes peu habituées à parler seront entendues par des personnes peu habituées à écouter, de grandes choses pourront arriver. » Aujourd’hui, l’heure est venue pour nous d’étayer ces propos. La démarche que nous avons entreprise est de dépasser la pétition de principe, aussi moralement justifiée nous paraisse-t-elle par la générosité qui la sous-tend, pour interroger les fondements de notre prise de position. Cela nous a paru d’autant plus nécessaire que nous avions souvent l’impression de tenir des propos subversifs, des discours à contre-courant de la pensée la plus couramment admise sur la question, quand bien même nous avions le sentiment de dire des évidences.
Nous avons voulu comprendre le phénomène, comprendre comment y remédier, car la seule pétition de principe, justifiée par le refus, ne nous paraissait pas suffisante, quand bien même le sentiment de révolte que cela inspire nous semble légitime.
Posé comme énigme de recherche, le problème se formulait ainsi : peut-on considérer les personnes en souffrance psychique comme des personnes à part entière et non comme des personnes à part ? Comment pouvoir passer de la disqualification au respect des intéressés ?
L’énigme posée est celle de savoir si...
Qu’est ce qui assure notre identité personnelle ? Les philosophes ont proposé des réponses toutes imparfaites, mais qu’il est intéressant de tenter d’ordonner. Nous pourrions sans doute traiter d’emblée l’identité personnelle comme un système d’isomorphismes, mais nous pouvons aussi tenter d’utiliser le travail en profondeur de Jean Yves Girard d’une manière plus diversifiée. La notion d’identité personnelle se révèle bien adaptée à ce genre de tentative, que nous allons maintenant développer.
Revenons sur la division des niveaux de profondeur logique que propose Girard : le niveau aléthique, (-1) qui s’intéresse seulement à ce qui est prouvable, cohérent et vrai ; le niveau fonctionnel (-2) qui traite de preuves, et peut différencier deux démonstrations d’un même énoncé, tout en disposant de critères d’équivalence entre deux preuves (isomorphisme de Curry-Howard) ; le niveau interactif (-3) qui fait jouer la dynamique de stratégies en interaction dans un jeu qui doit se terminer ; le niveau déontique (-4) qui élimine tout arbitre du jeu précédent et fait jouer des propositions qui se jugent les unes les autres, la simple poursuite du jeu faisant émerger la règle de l’interaction entre A et non A. A ce niveau, on tient compte des « localisations » des formules : chaque formule a un « lieu » disjoint de celui des autres et qui lui reste propre au cours de toutes les manipulations logiques. En particulier, à ce niveau, on peut écrire A et B= B et A, puisque le signe « = » nous informe que le A qui est à gauche de B a bien le même lieu propre que le A qui est à droite du B (même chose pour B). Mais l’identité A=A de fait pas sens, parce qu’elle ne nous donne aucune information, sauf à la lire comme une sorte d’isomorphisme entre deux copies de A : A’ et A’’, chacune de lieu propre [1] différent. Pour les identifier, il faudrait...